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colère comme sans convoitise. Tout ce qu’elle sait, tout ce qu’elle veut savoir, c’est qu’un Gouvernement de proie s’est rencontré, qui, excipant d’un droit divin où le Dieu de la chrétienté n’a rien à voir, émet la monstrueuse prétention d’assujettir le genre humain au joug anachronique sous lequel il maintient un peuple né vassal. Il ne s’agit pas seulement d’empêcher pour le présent que cela soit ; il s’agit de rendre inadmissible à jamais que cela puisse être. Les destinées idéales de l’humanité n’ont chance de se réaliser efficacement que dans la paix. Et la condition nécessaire de la paix, c’est la liberté. Cette condition ne sera établie de façon durable que le jour où le dernier gouvernement despotique se sera effondré, ensevelissant avec lui dans sa chute son instrument d’oppression, le militarisme… Fille aînée de la liberté, l’Amérique se lève pour aider les nations qui sont déjà en possession de ce bien vital à le défendre, et celles qui ne le possèdent pas encore, à le conquérir. Bercée tout enfant entre les bras blancs de la paix, grandie dans son culte, devenue féconde et prospère sous sa loi, c’est par amour de la paix qu’elle accepte la lutte ; elle ne déclare la guerre qu’à la guerre ; elle ne s’arme que pour hâter l’ère du désarmement ; elle ne recourt au canon que dans l’espoir de réduire une fois pour toutes le canon au silence ; elle n’en appelle à la force qu’afin d’abolir le règne de la force et de préparer les voies à l’avènement de la justice ; elle ne rompt avec sa politique traditionnelle d’abstention qu’afin de substituer à la ténébreuse alliance des autocraties, fondée sur des tractations équivoques, le clair concert des peuples libres, fondé sur une mutuelle probité. Son mot d’ordre est :

— Il faut que le monde soit mûr pour la démocratie.

Formule saisissante et neuve qui, demain, s’imposera sans doute comme le mot d’ordre universel. Elle est la première, elle est, si je ne me trompe, la seule qui donne au conflit contemporain toute sa signification, toute sa portée. Quels que soient les objets particuliers pour lesquels les nations de l’Entente versent leur sang, il en est un qui se trouve implicitement renfermé dans tous et qui les dépasse, à savoir ; l’émancipation de l’humanité. Cette guerre est en soi une croisade démocratique. Il appartenait au chef de la démocratie type, il appartenait au plus fervent comme au plus réfléchi des démocrates, il appartenait à un Woodrow Wilson de le voir