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ces quatre mois identifié sur le front de Verdun un nombre de divisions françaises presque double du nombre des divisions qu’eux-mêmes avaient engagées ? Leur calcul se trouva faux pourtant. Les pertes totales pouvaient s’équivaloir de part et d’autre, mais notre Commandement avait constamment veillé à établir un système de relèves très rapide, très souple, et, si l’on peut dire, très humain, afin de répartir le fardeau de l’épreuve commune sur le plus grand nombre possible d’unités, donc sur le plus grand nombre possible de nos provinces. Et cette méthode, plus équitable au point de vue national, fut aussi militairement la plus fière, celle qui avait accordé au soldat le plus large crédit de confiance : pour les Allemands, un soldat retiré, même après peu de jours, de l’ « enfer » de Verdun devait n’être plus qu’une loque humaine, impropre pour des mois à tout nouvel effort ; autant valait donc y maintenir les divisions en ligne jusqu’à ce qu’elles fussent saignées à blanc ; pour nous, au contraire, un soldat réchappé de Verdun devait être devenu un meilleur soldat.


De plus, au fer et à mesure que nous retirions de Verdun nos unités et que nous les ramenions dans les camps, nous les munissions, en vue de la prochaine bataille, d’un armement meilleur : car depuis longtemps nos arsenaux travaillaient en secret soit à pourvoir nos troupes d’un nombre plus grand de mitrailleuses, soit à inventer et à essayer des armes et des engins jusqu’alors inconnus.

Pour les mitrailleuses, on s’était enfin arrêté au meilleur mode de leur groupement : en 1915, au lieu des deux mitrailleuses par bataillon du début de la guerre, nous avions mis en ligne une compagnie de mitrailleuses par régiment ; puis, dans chaque brigade, une compagnie de mitrailleuses de brigade en plus des compagnies régimentaires ; désormais, à partir de juin 1916, chaque bataillon sera doté d’une compagnie de mitrailleuses, à huit pièces[1].

Quant aux grenades, elles avaient abondé à Verdun : pour progresser pied à pied dans les boyaux, pour nettoyer les tranchées ou les abris, pour soutenir par petits groupes dans les

  1. A partir d’août 1917, le nombre des pièces sera porté de 8 à 12 par compagnie de mitrailleuses : soit 37 pièces par régiment, au lieu de 6 en 1914.