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et autres, qui hurlent sur le mode le plus aigu et le plus obstiné :

Peace ! Peace ! We want peace ! (La paix ! La paix ! Nous voulons la paix ! )

— Si vous commenciez par nous la flanquer, observe judicieusement un des policiers de service occupés à les contenir.

Après les vociférations dont nous venons d’avoir le tympan déchiré, le bourdonnement de ruche qui remplit les couloirs de la Chambre nous produit la sensation lénifiante d’un silence relatif. Nous sommes sous les voûtes du temple : reste à pénétrer dans le saint des saints. Nous implorons à tour de rôle un, deux, quatre, six « congressmen » de notre connaissance.- La réponse est invariable :

— Désolés, navrés, mais, hélas ! rien à faire.

Eux-mêmes, pour caser leurs proches, ont dû mendier les cartes de collègues moins encombrés. Et, par les portes entrebâillées des galeries, ils nous montrent les banquettes déjà combles. Nous n’avons plus qu’un recours, un seul ; c’est de déterrer quelque député de l’Ouest, du profond Ouest, qui, à cause de l’éloignement de sa circonscription, n’aurait eu ni parent, ni mandataire en humeur de le relancer jusqu’à Washington. Un tableau, appendu dans le vestibule, donne la liste des représentants, État par État. Nous le parcourons. Quand nous en sommes à l’Illinois, ma femme s’écrie :

— J’ai trouvé !

Et elle demande à l’huissier d’aller quérir M. Dennison. L’instant d’après, un magnifique descendant des vétérans de la « prairie, » un géant doux et courtois se penche bénévolement pour écouter notre supplique, en abaissant vers nous des prunelles veloutées, ombragées de longs cils, ces prunelles larges, un peu diffuses et comme noyées d’espace, que les (ils des grandes plaines ont en commun avec les marins, un ticket ? Non. Il a, lui aussi, aliéné le sien. Mais il n’importe : un homme de l’Ouest n’a aucune superstition, pas même celle du règlement, et, puisqu’il s’agit d’un Français, cela tranche tout.

— Suivez-moi.

De ses épaules dominatrices il nous fraie un chemin, à travers la houle humaine qui s’écrase dans les couloirs, jusqu’à ce que nous ayons atteint l’entrée de la galerie habituellement réservée, nous apprend-il, aux femmes des