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faciles et les blandices d’un métier fastueux. Et c’est justement le contraire du sentiment qui guidait les Primitifs. Les Primitifs étaient simples, mais ils ne simplifiaient pas ; ils faisaient plus compliqué, plus savant, plus divers qu’on n’avait fait avant eux. Ils étaient ignorants, mais ils ne perdaient aucune occasion de s’instruire, ni de montrer leur savoir. Ils étaient gauches, mais cherchaient à développer au plus haut point et à montrer leur adresse ; sobres, mais épris de richesses ; immobiles, mais désireux de marcher. Ils tendaient vers le mouvement, la ressemblance, la vie, voire vers la virtuosité et le trompe-l’œil, de toutes leurs forces. S’ils n’y parvenaient pas, c’était la faute ou le privilège de leur jeunesse et de leur inexpérience, — non de leur volonté. Heureuse inexpérience, naïveté providentielle, tant qu’on voudra ; comme sont heureux, gracieux et divins les gestes de l’Enfance, — mais irrécouvrables ! L’enfance est un âge et non une méthode : quand elle est passée, elle est passée, et vouloir en reproduire les apparences, quand on n’en détient plus les promesses, est aussi lamentable en art que dans la vie. On le peut par la force de la volonté, mais alors, au lieu d’être le comble du naturel, c’est le comble de l’artifice. Tels, les archaïsants. On les voit s’efforcer d’oublier ce qu’ils savent. Quelques-uns y réussissent sans peine, car ils ne savent rien. Pour d’autres, c’est plus laborieux et la fin n’en vaut pas la peine. Cette autotomie, si héroïque soit-elle, ne les guérit pas du mal d’être nés après tous les grands maîtres, dans un monde rempli des splendeurs de la Renaissance et du XVIIIe siècle. Elle ne les fortifie, ni ne les rajeunit. Cela peut divertir, un instant, les dilettantes ; cela peut même paraître nouveau, mais un temps seulement, et cela passe comme tout ce qui n’évolue pas dans le même sens que l’humanité.

Quant au « cubisme, » c’est un effort désespéré pour faire exprimer par la peinture ce qu’elle ne peut rendre, — comme si, par exemple, quelqu’un s’avisait de se représenter les choses telles qu’elles apparaîtraient dans une quatrième dimension. De ce que des jeunes gens de talent s’adonnent à ces recherches, il ne s’ensuit pas qu’elles soient heureuses, ni même utiles. Tout au plus peuvent-elles servir à prouver, par démonstration expérimentale, combien sont fausses, en art, les théories qui mettent le subjectivisme au-dessus de tout. On en a le résultat sous les yeux. Car il n’est pas de cubiste ou de « fauve » honni