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Danubien ; la majeure partie de son territoire est dans le domaine géographique du Danube, mais ses affluents alpestres sont des torrents impropres à la navigation, tandis que ceux de la rive gauche, doublés par des canaux, unissent la Bavière au système rhénan et la portent vers les plaines de l’Allemagne du Nord. À cheval sur les deux réseaux fluviaux, son histoire l’a inclinée tantôt vers le Rhin et Berlin, tantôt vers le Danube et Vienne. Il y a, en réalité, trois Allemagnes : celle des plaines du Nord, celle du Rhin moyen et du Haut Danube, et enfin l’Autriche de langue allemande. De 1848 à 1860, l’Allemagne du Sud répugnait à l’union avec la Prusse et entendait garder son indépendance ; Maximilien II disait, en 1860, au prince Clovis de Hohenlohe : « Je ne me mettrai à la remorque ni de l’Autriche, ni de la Prusse. » Cette Allemagne de la Souabe, de la Franconie, des Alpes, du Rhin et du Haut Danube est, au point de vue ethnique, l’Allemagne vraie et pure, car le Prussien est un Slave germanisé et le Viennois un Germain mélangé de Slave, de Magyar, de Latin, et déjà un peu un Oriental… Lorsqu’en 1866 la force prussienne rattacha l’Allemagne du Sud à la Prusse, Bismarck voulut que l’Autriche en demeurât séparée. Chacune d’elles a, depuis lors, suivi sa destinée, la Bavière, le Wurtemberg et Bade se prussianisant, l’Autriche poursuivant vers l’Orient et les Balkans sa politique d’expansion territoriale et économique. Si les sentiments particularistes, qui ont des racines profondes dans le caractère national allemand, se développaient, sous l’action de la défaite et de la révolution, jusqu’à provoquer des sécessions, on pourrait concevoir la Bavière et ses voisines cherchant à s’unir à l’Autriche pour former une grande Allemagne du Sud. Dans l’état matériel et moral où sont actuellement la Bavière et l’Autriche, une union entre elles aurait plutôt pour conséquence d’entraîner l’Autriche vers Berlin et Weimar que l’Allemagne du Sud vers Vienne. Il y aurait, dans les deux cas, péril pour Prague, Presbourg, Zagreb (Agram) et Trieste.

L’intérêt de tous les Alliés est d’aider à vivre et à prospérer une Autriche indépendante qui pourrait être, au moins provisoirement, une Autriche neutre, une sorte de Suisse autrichienne, qui trouverait sa place définitive, comme État indépendant, quand le temps et l’expérience auront éprouvé la solidité du nouvel édifice européen et permis d’y apporter les