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qui leur a toujours manqué en Hongrie et qu’ils aient souhaité et préparé leur union dans une patrie tchéco-slovaque que le traité de paix va réaliser ? La Slovaquie deviendra, pour la nouvelle République, un réservoir de forces jeunes et de populations vigoureuses, pourvu que les Tchèques ne brusquent pas l’évolution de leurs frères moins avancés et respectent leurs coutumes et leur idiome populaire.

La question de la frontière méridionale de la Slovaquie est particulièrement délicate. Les Allemands et les Magyars ont, au cours des siècles, éloigné les Slaves des bords du Danube et, en général, des plaines et des villes. Presbourg, capitale historique du pays Slovaque, entourée de villages Slovaques, n’a elle-même que 15 pour 100 de Slovaques contre 40 pour 100 d’Allemands et 40 pour 100 de Magyars. Il est cependant indispensable que Presbourg suive le sort du pays qui l’environne et que la Tchéco-Slovaquie soit riveraine du Danube. En règle générale, quand il s’agit de déterminer la nationalité d’une région, ce sont les campagnes plutôt que les villes qu’il faut considérer, car le citadin passe et le paysan demeure. On devra étudier de près, de manière à éviter le plus possible de répartir les populations contre leur gré, cette région du Danube et des confins Slovaco-Magyars entre le Danube et la Tisza. On tiendra compte des groupes importants de Slovaques répandus çà et là à travers la Hongrie qui devront rester parmi les Magyars et constitueront pour eux une compensation aux flots qu’ils devront abandonner en pays Slovaque.

La Conférence aura aussi à se prononcer sur l’avenir du groupe des Ruthènes (Petits-russes) qui, au nombre de 470 000, vivent au Sud de la crête des Carpathes dans la région des sources de la Tisza, et qui s’interposent entre les Slovaques et les Roumains de Transylvanie et de Bukovine. Les Tchécoslovaques leur offrent, comme à des frères trop faibles pour fonder un État indépendant, d’entrer dans leur République en y conservant leur langue et leur autonomie administrative. Par-là les Tchéco-Slovaques seraient en contact immédiat avec les Roumains et ce serait, dans l’intérêt de l’équilibre pacifique de l’Europe, un fait dont l’importance n’a pas besoin d’être démontrée.

La nation tchéco-slovaque ainsi constituée, maîtresse de ses destinées, est appelée à un brillant essor, si elle reste laborieuse