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Désormais, la « propagande » doit changer de nom et de moyens. Elle s’appellera connaissance mutuelle, pénétration réciproque, sympathies manifestées par l’entr’aide. Cette « propagande »-là est plus nécessaire que jamais. Car l’Allemagne vaincue va tendre tout son effort du côté de ses voisins qui peuvent offrir un champ à son activité. Quelle revanche, si elle réussissait à établir définitivement son emprise sur tous les petits pays qu’elle n’a pas cessé d’envahir moralement !

Plus que jamais elle essaiera de se maintenir chez eux, chez nous. Nous avons toujours résisté. Nous continuerons. Mais il est indispensable que nous ne demeurions pas seuls dans cette lutte. Nous avons besoin de l’amitié française… Il est nécessaire que la France facilite les échanges intellectuels. Si d’invisibles barrières d’ordre administratif continuaient à se dresser entre elle et nous, soyons certains que l’Allemagne, aux aguets, profitera de toutes les fautes et de tous les oublis…

Nous demandons à la France seulement de nous comprendre, tels que nous sommes : un peuple en quatre peuples, un même esprit travaillé par la passion de la liberté qui se manifeste de façons différentes, et se traduit en français, en allemand, en italien, en romanche, quatre peuples qui tiennent ensemble par un lien à la fois souple et indissoluble, et sont fiers les uns des autres… Quatre peuples, férus d’indépendance, et qui se tournent avec affection, le cœur battant d’un généreux espoir, du côté où ils sentent que la liberté rayonne…

À cette heure décisive où les nations se concertent, où tous les peuples secouent leurs entraves et rejettent leurs oppresseurs, les Suisses, s’il ne leur est pas donné de contribuer directement à la grande œuvre entreprise, l’attendent et l’appellent de leurs vœux. Ils en suivent les étapes, et ils guettent avec une attention ardente le pas, pour eux familier, de la liberté en marche à travers le monde.


NOËLLE ROGER.