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Si le Japon et la Chine étaient unis dans une parfaite harmonie d’action et de dessein, si le maréchal Teraoutsi et le général Touan avaient pleine confiance l’un dans l’autre, si, de même, les Alliés d’Europe, notamment la Grande-Bretagne et la France, considéraient comme opportunes et avisées les résolutions prises par les d’eux grands États d’Asie, le gouvernement japonais désirait s’assurer d’autre part l’entière adhésion de son grand allié du Pacifique, des États-Unis, avec lesquels il avait encore tout récemment, au mois de novembre 1917, par l’échange de lettres entre le vicomte Ishii et M. Lansing, précisé les lignes essentielles de son entente. — Non pas que le cabinet de Washington ne fût, lui aussi, très convaincu de la nécessité d’opposer une digue aux projets d’empiétement et d’absorption des Puissances centrales ; mais le président Wilson avait en même temps le scrupule et le souci de ne laisser entreprendre en Asie, et particulièrement sur les territoires appartenant à la Russie, aucune action qui risquât de n’avoir point l’assentiment de la Russie elle-même. La difficulté était, dans l’état d’anarchie de l’ancien Empire russe, et dans les connivences que les traités de Brest-Litowsk créaient en fait entre les Bolcheviks et l’Allemagne, de rechercher et d’obtenir cet assentiment que la vraie et saine Russie n’eût pas manqué de donner, mais auquel le gouvernement maximaliste des Soviets ne paraissait nullement disposé à se prêter.

Dans ces circonstances, le gouvernement japonais et l’opinion nippone, par déférence pour le scrupule des États-Unis, et désireux de voir l’unanimité s’établir tant au Japon même qu’au dehors, se firent une loi d’attendre que l’unanimité souhaitée sortit de l’évidence même, sinon du péril, de la situation. — Cette évidence, d’ailleurs, et ce péril ne devaient pas tarder à éclater. L’opinion, non seulement en Europe, mais aux États-Unis, se prononçait de plus en plus pour une intervention des Alliés en Asie et pour la reconstitution d’un front d’Orient qui, si éloigné qu’il fût dans l’espace, pouvait peu à peu se rapprocher et tenir lieu de l’ancien front russe effondré. La tentative hardie des Tchéco-Slovaques en Sibérie et des Alliés sur la côte mourmane fut au dernier moment comme un stimulant pour vaincre les hésitations et rallier les dissidences.

C’est le 4 août 1918 que les cabinets de Washington et de Tokyo firent connaître, par des déclarations concertées, l’accord