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NOVEMBRE


Automne, je suis née en ta froide saison,
Quand ta pluie humble et résignée
Dissout dans les vergers les poires épargnées
Et ouate d’ombre l’horizon ;
Je regarde en souffrant cette humide prison,
Est-ce le regret d’être née ?
Ta paix appesantie, en accueillant mes jours
Fit de moi ton enfant ingrate,
Rien en mon cœur n’admet tes midis clairs et courts,
Ni tes feuilles aux tons de chamois et d’agate,
Je t’avais, en naissant, délaissé pour toujours !

— Je ne vous aime pas, saison mélancolique,
Froides routes où tinte, ainsi qu’un fin tocsin,
La châtaigne couleur d’acajou et d’oursin,
Ni vous, pleur de minuit, droite et triste colchique !

— Rendez-moi le bonheur et l’espoir printaniers,
Le jour qui lentement s’allonge avec paresse,
Qui s’attarde le soir, qu’aucun appel ne presse,
Qui peut tout obtenir et peut tout dédaigner,
Pareil au jeune amour, à la calme jeunesse.
— Que m’importe la pourpre ardeur que vous feignez,
Automne ! et vos soleils, et vos tièdes caresses,
Puisque votre beauté n’est plus une promesse…


L’ORAGE


L’hirondelle en criant vote bas et halette,
Les carpes ont coulé leurs ombres violettes
Dans l’étang attristé où leur jeu se bloqua.
L’espace est somptueux, et pourtant délicat,