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Tant l’espoir est entier ! Quand tu partais, si grave
Que l’on plaignait ton sort, que tu te croyais brave,
Ah ! tu n’ignorais pas en ton instinct puissant
Que la joie est toujours conseillère du sang
Pour la fortuite et sûre et perpétuelle ivresse !
Comme un pollen porté par le vent, ta détresse
Flottait sur tant d’espace ouvert et traversé !
Les cris des trains, pareils à des bras dispersés,
Ressemblaient à ton cœur ; tes rêveuses prunelles
Contemplaient l’horizon, flagellé et chassé
Par le vent, qui, cherchant ton visage oppressé,
Faisait bondir sur toi ses fluides Gazettes !
Et puis on arrivait. Fiers regards imprudents
Vers le puissant hasard, qui en tous lieux attend
La douleur qui se plaint, se démasque et se nomme
Douleur, nom du désir et du rêve des hommes !
Commencement d’un neuf et consolant exploita
O chemins inconnus ! ô fontaines de Rome !
Fleuve du ciel gisant dans les canaux des toits,
Visages révélés, destin qui se propose…
— Mais j’accepte à présent de plus austères lois ;
Je crains trop le plaisir auquel un cœur s’expose,
Partir, c’est espérer, c’est exiger, je n’ose
Souhaiter que ma vie ait cette force encor
De toujours provoquer le désir et la mort,
Et d’inviter sans fin la Nature infidèle
A vaincre un cœur plus fier et plus vivace qu’elle !


MATIN D’ÉTÉ


Le chaud velours de l’air offre à la rêverie
Un divan duveteux où mon esprit s’ébat,
La verte crudité de la jeune prairie
Est pour l’œil ébloui un exaltant repas,

L’ombrage et le soleil quadrillent la pelouse
Où le brûlant matin se repose, encagé ;