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général des galères ; il cherche donc à Avignon et dans toutes les villes du pays tout ce qui se trouvera de bien semblable pour en faire au moins une partie.

Le luxe de la soie se développa quelque peu sous Colbert ; au début du XVIIe siècle, les entrées, qui représentaient presque toute la consommation, étaient évaluées par un importateur compétent à 30 millions de francs pour la France entière ; or, en 1680, Gautier, le grand marchand de soieries, en fournitures de corbeilles ou, comme on disait, de « carreaux » de mariages, aurait, au dire de Mme de Sévigné, touché à lui seul plus de trois millions et demi de francs, — « touché » est une manière de parler puisque, avec les clients princiers, la difficulté consistait surtout à être payé.

Le nombre des métiers à Lyon n’était alors (1685) que de 4 000 ; il s’éleva à 8 000 en 1739, à 15 000 en 1789. Parallèlement, les prix de la graine de vers et du kilo de cocons, en Languedoc, Comtat et Bas-Dauphiné subirent, de 1600 à 1789, une baisse de moitié ; signe du progrès constant de la production indigène, alors sans rivale. En 1913, les 7 à 800 000 kilos de soie grège, issue des 268 fileries de cocons français, ne représentaient pas le dixième des soies introduites de l’étranger ; la région lyonnaise à elle seule, sans parler de ses concurrents du Nord, disposait avec ses 90 000 métiers, dont 30 000 mécaniques, d’une capacité de fabrication 37 fois supérieure à celle de 1685 et, comme la matière est trois fois moins chère, les 380 millions de francs que valaient les tissus annuellement fabriqués avant la guerre équivaudraient peut-être, en soie pure, à 25 fois plus de mètres qu’il y a deux siècles.


IV

Soieries et lainages d’autrefois étaient sans mélange, sauf quelques satins fil et soie au XVIIIe siècle, la popeline, soie et laine, ou la futaine a trame de laine et chaîne de lin. Seul le lin se mariait au chanvre sur les métiers. Les croisements modernes avec le coton ont permis de démocratiser la soie, et d’aristocratiser les lainages vulgaires à l’image et ressemblance des draps de haut prix.

Ainsi ont disparu la « bure » d’aspect rugueux, en laine croisée de gros numéros, le « froc, » les « cadis, » « cordelats »