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contre-préparation française devance la préparation allemande. Notre immense artillerie se dévoile toute et déchaîne un bombardement si formidable qu’il réconforte là-bas nos fantassins laissés comme des enfants perdus aux avant-postes, les excite, les remplit d’une frénésie de confiance : beaucoup, — l’un d’eux me l’a rapporté, — se dressaient debout sur les parapets et lançaient à l’ennemi des injures dans la nuit. Jusqu’aux arrière-lignes des Allemands nos pièces à longue portée frappent aux points sensibles de leur énorme machine d’assaut, avant même qu’elle se mette en marche. Elle se met en marche pourtant. Mais, aussitôt que commence le bombardement ennemi, les fantassins de nos premières tranchées se retirent hors de la portée des Minenwerfer, se replient sur la ligne intermédiaire, à deux kilomètres environ plus au Sud, pour y former des groupes de combat, qui, se flanquant les uns les autres, opposeront à l’adversaire une résistance d’autant plus solide qu’il pénétrera plus avant dans nos lignes. Et quand enfin l’infanterie allemande partit à l’assaut, nos tirs de barrage s’abattirent d’abord en avant de notre première position, puis sur cette première position, déjà évacuée par nous, puis plus en arrière, à mesure que les signaux lancés par nos avant-postes, qui se repliaient, jalonnaient l’avance de l’assaillant. Jamais tant de sang allemand n’avait coulé en si peu d’heures. Pourtant, l’artillerie ennemie persistait à allonger indéfiniment ses tirs de barrage, selon l’horaire prescrit, comme si les vagues d’infanterie continuaient de progresser derrière eux à l’allure prévue : mais déjà, par bataillons, par régiments, par divisions, l’infanterie allemande gisait dans les plaines… Le jour s’était levé, et ce fut « le beau jour » que le général avait promis.

Tandis que les soldats de la 4e armée brisaient ainsi à l’Est de Reims l’effort de quinze divisions appuyées par dix autres, à l’Ouest de Reims au contraire de grandes forces ennemies progressaient en direction d’Épernay. Alors, ayant gagné, le 15 juillet, sa dernière bataille défensive, la France engagea, le 18 juillet, sa première bataille offensive, et ces deux batailles n’en sont qu’une.

C’est très témérairement que les Allemands précipitaient leurs troupes vers Dormans et Epernay. Si on les attaquait sur les deux flancs du saillant de l’Aisne à la Marne, là où le