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c’est à peine s’ils savaient seulement les noms, — « pendant qu’ils y étaient. »

C’est ainsi que, le 9 et le 10 juin, en plusieurs secteurs de la 3e armée, notre tactique de combat sur des zones profondes fit ses preuves. Les Allemands réussirent à atteindre et à franchir l’Aronde ; mais ils n’y parvinrent qu’épuisés. Aussitôt, comme complément de notre action défensive, une action offensive les prit de flanc. Le 10 juin, à dix heures trente, le général Fayolle, alertant dans leurs cantonnements de repos cinq divisions, les constituait en un groupement Mangin, aux ordres du général Humbert, et leur donnait pour mission d’attaquer sur le front Mortemer-Saint-Maur, en direction générale de l’Est. L’ordre portait que l’attaque serait exécutée le lendemain même, c’est-à-dire qu’il fallut en quelques heures organiser les ravitaillements, affréter et acheminer les convois, pousser en avant, — et l’on ne disposait à cet effet que d’un seul pont, près de Montgérajn, — cent quarante chars blindés, amener les troupes à pied-d’œuvre, les disposer face à leurs objectifs. Pourtant, quand la courte nuit de juin s’acheva, tout était prêt. A 11 heures, le général Mangin lança les vagues d’assaut, et l’ennemi fut rejeté en désordre sur le Matz.

En ces actions tour à tour défensives et offensives du 9 au 13 juin 1918, un grand avertissement venait d’être donné à l’Allemagne : ne le comprit-elle pas ?


Comme si elle n’avait pas compris, elle recommença aussitôt à combiner et selon les mêmes procédés qu’au 21 mars, qu’au 27 mai, qu’au 9 juin, une autre entreprise de rupture et de percée. Ce qu’elle se propose, c’est d’attaquer de Reims à Massiges, sur tout le front de la 4e armée Gouraud, et de prendre à revers, par la gauche et par la droite, la Montagne de Reims ; Châlons tombera ; l’armée française, coupée de l’Argonne et de Verdun, devra capituler devant Paris. Ce sera la bataille suprême, l’offensive pour la paix, le Friedensturm.

Pendant tout le mois de juin, l’ennemi prépare cette grandiose bataille ; à son insu, la 4e armée observe son travail. Nous connaissons désormais sa méthode du 21 mars, du 21 mai, du 9 juin : la surprise, c’est lui, cette fois, qui la subira. Cette fois, nous ne consentirons pas que ses Minenwerfer