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leur consigne n’est plus de résister sur place, mais d’attirer l’ennemi en deçà de la première position. Attaqués, nos avant-postes se replient ; plus en arrière, des centres de résistance sont occupés par des garnisons d’infanterie assez fortes pour résister chacune par ses propres moyens ; ces garnisons qui, par définition, n’ont pas besoin d’artillerie, canalisent l’infiltration ennemie dans les couloirs qui les séparent ; et toute la masse de notre artillerie s’emploie à la seule défense de ces couloirs. Deux, jours durant, cette tactique se développa dans une lutte violente à la fois et savante. Au soir du 10 juin, la division « ardente et brave » avait perdu 2 551 hommes ; mais sur le front tenu par ses trois régiments d’infanterie, le 18e, le 34e et le 49e, huit régiments d’infanterie allemande avaient passé, qui s’étaient fait massacrer sur la position de résistance. La ligne des Réduits avait bien rempli son office, et le village de Courcelles résisté victorieusement.

Même tactique et dispositifs analogues en plusieurs autres secteurs de la 3e armée. Ainsi la 72e division (général Ferradini) n’avait laissé au Nord de la Divette que de faibles éléments de couverture, qui devaient s’y maintenir seulement durant le temps nécessaire à l’installation du gros des troupes sur la seconde position. Au point du jour, ces petites garnisons sont attaquées. Trois heures plus tard, à 9 heures, on les avertit toutes, téléphoniquement, que leur mission est remplie, que les régiments sont en place, et qu’elles peuvent se replier. Mais de chaque centre de résistance vient la même réponse : on demande la permission de ne se replier qu’un peu plus tard. Une heure passe, puis une autre : tes fantassins de la zone avancée ne reviennent pas ; là-bas ils combattent encore. Enfin, par petits groupes sanglants et farouches, vers midi, ils se rabattent vers l’arrière. A leur venue, nos régiments, qui attendent, l’arme au pied, les acclament. Comme ils ont tardé ! Mais eux, surpris de l’accueil : « Bah ! disent-ils, pendant qu’on y était ! » La belle parole pleine de bonhomie et de grandeur ! Et ne peut-on pas dire qu’elle résume la manière de tous les soldats de France ? Comme de bons ouvriers qui aiment le bon ouvrage, ils auront bien fait leur tâche, qui était de délivrer le sol natal ; mais pendant qu’ils y étaient, » ils auront fait aussi un peu plus que leur tâche ; ils auront délivré par surcroît des. Sclesvigois et des Esthoniens, des Arméniens et tant d’autres peuples dont