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défendues, situées plus au Sud, en particulier celle de Haguenau à Sarre-Union, qui n’était barrée que par la mauvaise forteresse de la Petite-Pierre. » La frontière de I814, un peu meilleure, n’était déjà pas excellente; mais les dangers qu’elle présentait avaient été considérablement accrus par les « rectifications, » — disons par les « amputations » de 1815 : par l’abandon de Landau et de la Queich, celui de la ligne de la Sarre et aussi, plus à l’Ouest, celui de Philippeville, de Marienbourg et du pays de Chimay.

Un tracé de frontières correspondant au statu quo ante bellum serait donc désastreux pour la France; par bonheur, cette hypothèse n’est à envisager en aucun cas, pas même pour l’écarter. C’est l’impossible absolu, et personne au monde n’y a une minute songé. La simple restitution à la France de l’Alsace-Lorraine de 1870, dans ses frontières fixées par le traité du 20 novembre 1815, serait tout à fait insuffisante comme garantie militaire, si elle n’était proprement un leurre, puisque c’est pour s’ouvrir et se tenir ouvertes les portes de notre pays que ce traité nous a enlevé, entre autres points, la ligne de la Sarre avec Sarrelouis et Sarrebrück et la ligne de la basse Queich avec Landau. Une frontière politique partant de l’embouchure de la Queich dans le Rhin, remontant ensuite cette rivière jusqu’à son entrée dans la région montagneuse, puis gagnant et suivant la ligne de faîte entre les affluents de la Bliess et de la Sarre et ceux de la Nahe, pour venir atteindre la Moselle, et la côtoyer, analogue en somme, avec quelques corrections, à la frontière de 1814, eût offert des avantages certains. Elle nous eût assuré le commandement de passages de routes, de nœuds de chemins de fer, de voies de pénétration et de liaisons transversales, la maîtrise d’une position qui a joué un rôle important dans les guerres antérieures. « Mais, même dans ces conditions améliorées, l’Allemagne conserverait toujours une place d’armes menaçante entre le Rhin, la Moselle et la frontière française, dans laquelle, maîtresse des débouchés du Rhin, elle peut concentrer une partie tout au moins de ses armées. Cette place d’armes fait tomber par sa seule existence notre ligne de défense du Rhin, de la Queich à Bâle, et toute la chaîne des Vosges et du Hardt. » D’où la conclusion invariable, inéluctable : La seule frontière militaire qui assure à la France une paix durable est la frontière du Rhin.

Entendons-nous : qu’il n’y ait pas ici d’équivoque, et, pour qu’il n’y en ait pas, mettons avec soin les points sur les i. Nous abandonnons, — à regret, — mais enfin nous abandonnons comme ne