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rappeler la fondation, en 1680, de Sarrelouis, dont le nom demeure le témoin de sa royale origine, et, d’autre part, sans oublier ce que le traité de Ryswick nous fit perdre; sans nous embarrasser dans les conventions multiples, passées, dans la fin du XVIIIe siècle, avec les multiples princes et seigneurs, électeur de Trêves, comte de la Leyen, duc de Deux-Ponts, et nous mêler de l’histoire controversé du Bas-Office du bailliage de Schaumbourg ou canton de Tholey; sans relier, par la Révolution, l’Empire à la Monarchie (et pourtant, c’est une chaîne continue), nous nous contenterons de faire observer que la majeure partie des mines du bassin houiller de Sarrebrück, — neuf sur seize, — sont situées en deçà de notre frontière de 1814. Les motifs pour lesquels elles nous ont été prises et qui sont exposés tout au long dans des mémoires prussiens du temps sont justement ceux mêmes pour lesquels nous devons les reprendre. Que nous en ayons de supplémentaires, comme la dévastation systématique de nos régions houillères du Nord, cela n’est point niable et cela n’est point nié, même par M. le comte de Brockdorff-Rantzau; mais, outre les raisons d’ordre économique, il est une autre considération qui n’a pas moins de force. « En 1814, dit M.Gallois, les Alliés nous avaient laissé une ligne de défense : la Sarre, qui, de Sarreguemines à Merzig, sert de fossé à la Lorraine. C’est, dans tout le pays compris entre la Moselle et le Rhin, un des rares obstacles qui aient quelque valeur. La Prusse, installée en 1815 sur cette frontière, y ouvrit une large brèche; elle exigea qu’on lui remît la forteresse française de Sarrelouis. La vieille place de guerre a perdu au cours du XIXe siècle toute valeur militaire. Elle a été déclassée en 1889 et son enceinte a été complètement détruite. Mais les hauteurs de Berus et de Felsberg qui la dominent au Sud, celles du Siersberg, près du continent de la Sarre et de la Nied, conservent toute leur valeur de défense. Elles s’élèvent à 150 mètres et 200 mètres au-dessus de la vallée et commandent au loin la rive droite beaucoup plus basse. Même si l’Allemagne devait retirer ses garnisons de la rive gauche du Rhin, n’aurions-nous pas le droit de demander qu’on ferme la brèche et qu’on nous rende le fossé de la Sarre ? » En revenant là, nous rentrons chez nous. Nous recouvrons un bien qui nous fut volé en 1815; — volé comme l’Alsace-Lorraine nous fut volée en 1871. — Cinquante-six ans de plus ne font pas que le vol ne soit plus un vol.

Mais, de même que la Sarre est le fossé de la Lorraine, le Rhin est le fossé de l’Alsace, de la France entière, et de tout l’Occident. La France peut avoir, à l’Est une autre frontière politique, qui vaudra