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jusqu’au 25 avril, et le palais de Versailles après le 28 avril, quand les délégués allemands seront arrivés, s’attache l’équilibre, et de là partira ou repartira le mouvement du monde. Là s’élaborent, par la bonne volonté des hommes, qui n’a jamais été exempte d’erreurs, les destinées de l’humanité, qui n’ont jamais été exemptes de douleurs. Il y a du tragique dans cette grave affaire : c’est le moins qu’on en parle sérieusement, et d’abord qu’on n’en parle qu’en parfaite connaissance de cause.

Quittons donc le mode ironique si, par aventure, il nous a un instant tenté, et ne cherchons ni à deviner ni à devancer les résolutions de la Conférence. Nous les commenterons, nous les discuterons peut-être, quand elles seront définitives et quand nous en aurons des textes qui feront foi. Nous ne les avons pas encore. M. Stéphen Pichon, interpellé à la Chambre des Députés, et M. Lloyd George, interrogé à la Chambre des Communes, ont répondu le même jour, dans le même sentiment, qu’à cette heure, ils ne pouvaient répondre. Chacun selon la pente de son tempérament, mais tous les deux en concert manifeste, M. Pichon a gardé un silence et M. Lloyd George déroulé une éloquence, également vides d’informations précises. Tout ce que nous savons, ou tout ce que nous croyons savoir, c’est ce qu’on nous a fait ou plus exactement ce qu’on nous a laissé dire. Il semble que le Conseil des Quatre ait examiné et réglé la question du bassin houiller de la Sarre, celle de l’occupation militaire de la rive gauche du Rhin, et celle des réparations ou des indemnités : trois questions qui nous intéressent, nous Français, et nous touchent au plus haut chef.

La manière dont se sont formées, affermies, et paraissent s’être arrêtées, les décisions relatives au bassin de la Sarre, est instructive et vaut la peine d’être analysée: dans l’espèce, l’ordre chronologique dévoilera la politique et éclairera la psychologie. Le Temps du mardi 8 avril avait publié, à la meilleure place, en tête de ses « Dernières Nouvelles, » une note assez énigmatique pour qu’elle invitât à en pénétrer l’origine, le mobile, l’objet, et qui était ainsi conçue « Contrairement à certaines allégations qui ont été répandues par la presse allemande et reprises par d’autres journaux étrangers, nous croyons que le gouvernement français n’émet aucune prétention annexionniste, ni déclarée, ni dissimulée, à l’égard d’aucun territoire habité par une population allemande. Cette remarque s’applique en particulier aux régions comprises entre la frontière de 1871 et la frontière de 1814. Nous la faisons d’autant plus volontiers que