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REVUE LITTÉRAIRE.

Grasset note que jamais une religion n’a promulgué son évangile avec tant d’arrogance et d’insolence.

Ces passages de Le Dantec et de son maître Hæckel, cités par le professeur Grasset, caractérisent assez bien le néo-darwinisme. Il y aurait d’autres témoignages à citer. En 1909, MM. Yves Delage et Goldsmith ont publié Les théories de l’évolution. Lisez la très étonnante préface de ce volume. L’idée de l’évolution, que les auteurs appellent « notre credo scientifique, » — et la réunion de ces deux mots est remarquable, n’est-ce pas ? — cette idée s’étend à l’infini : « elle dépasse de beaucoup les limites des sciences au sein desquelles elle a surgi et embrasse tout l’ensemble des conceptions humaines, jusqu’aux problèmes philosophiques les plus obscurs et les plus difficiles. » Les auteurs ne sont-ils pas un peu inquiets de voir une idée sortir ainsi des sciences qui l’ont vue naître et gagner d’autres sciences, d’autres études qui ne sont pas les siennes, s’engager dans des chemins qui ne sont pas les siens ? Pas du tout ! L’idée de l’évolution, c’est, à les entendre, l’univers entier ramené à la notion de causalité. Or, la notion de causalité les enchante, « parce qu’elle élimine de la pensée humaine toute idée de merveilleux et de surnaturel et l’habitue à chercher des explications dans lesquelles seuls les phénomènes naturels interviennent. » Si la causalité rassure MM. Delage et Goldsmith, on n’y peut rien.

Mais enfin, ces deux savants nous promettent une explication de l’univers tirée des seuls phénomènes naturels : donc, ils nous donneront des faits ? N’y comptez pas ! Car ils écrivent : « L’idée de l’évolution devient l’idée de la descendance de toutes les formes organiques les unes des autres, les plus compliquées se développant des plus simples, et ainsi à travers toute l’histoire du monde organique, jusqu’à l’origine même de la vie. C’est l’idée transformiste, la seule qui nous apparaisse maintenant comme capable de fournir une réponse satisfaisante à la question de l’origine des êtres vivants qui peuplent la terre. Que les espèces soient nées les unes des autres ce n’est pas là seulement une déduction qui s’appuie sur des faits, — car les faits peuvent être contestés et surtout interprétés d’une façon différente, — mais une notion qui s’impose à notre esprit comme la seule acceptable, dès le moment que nous avons abandonné la théorie de la création surnaturelle… » Ainsi, les faits peuvent être contestés ou interprétés d’une façon différente ; ainsi, les faits ne sont pas grand’chose, et ne sont pas le principal, et ne suffiraient pas à établir le néo-darwinisme, le monisme et la biologie intégrale. Mais, à la base de