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cruelle station de son calvaire, atténuée par tout ce que la confiance et la douceur de l’accueil peuvent offrir de soulagement. Il est affligeant de penser que nul indice conservé ne permet de reconnaître la survivance de cette demeure, qui fait songer à Béthanie.


LA VICTOIRE ANXIEUSE

Un matin de février, par la porte de France, sept cavaliers sont sortis de Vaucouleurs. L’un d’eux pouvait avoir une apparence plus frôle. Mais il chevauchait pourtant du même trot que les autres. Sa monture portait Jeanne la Pucelle, en route pour Chinon, pour Reims, et pour Rouen.

Onze jours plus tard, le premier dimanche de mars, ils ont vu se profiler, se prolongeant l’une l’autre, les trois forteresses successives qui composent le château de Chinon. Un soir, aux flambeaux, dans la Grande Salle, Jeanne la Pucelle a marché vers le Roi. Elle a donné son signe et déclaré sa mission : délivrance d’Orléans, sacre de Reims, reconquête du royaume. Dans la chambre du prince, ensuite, seule à seul, elle a révélé un secret, plus impressionnant encore. Jeanne la Pucelle est à présent consacrée par les enquêtes et les contrôles. La pauvre fille de Burey converse avec le souverain, des chefs de guerre et des évêques. Elle est classée, reconnue, officielle.

Depuis le départ de Vaucouleurs, elle vit comme dans un rêve. Les Voix sont toujours auprès d’elle. Une armée se prépare, dont les capitaines tiendront conseil avec elle. Toutefois il n’y a pas une semaine à perdre. Elle devait atteindre le Roi dans le milieu du carême : le cas s’est réalisé pleinement, il faut maintenant qu’elle ait achevé sa tâche à la Saint-Jean. Elle sait d’ailleurs qu’elle n’a qu’un an devant elle, et ne doit pas durer plus. Mais cette année-là est de celles où doivent de toute nécessité survenir de rares événements. Car son Vendredi Saint tombe le jour de l’Annonciation. Et la rencontre du Lis et de la Croix présage toujours de grandes choses.

Les jours d’Orléans furent de beaux jours, et le huitième de mai le plus radieux de tous. Mais il ne représente, pour elle, qu’un premier fait. Son anxiété grandissante, à présent, c’est le Sacre.

Elle soulève l’enthousiasme, elle possède le cœur et l’esprit