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exilés dans notre propre patrie, avons porté le poids des heures mornes et lourdes, et ce sont les vaillants revenus des batailles patriotiques qui nous rediront les jours de l’Yser. Il en est un toutefois, particulièrement mémorable, dont la connaissance est arrivée jusqu’à nous à travers les épaisses rangées des troupes allemandes : c’est la veillée des armes du jeune duc de Brabant, faisant son apprentissage de souverain dans les tranchées à l’âge de quatorze ans. Ce jeune preux fut présenté par son père au 12e régiment de ligne, dans lequel il allait gagner ses grades. « On ne saurait trop tôt, dit le Roi, mettre les jeunes princes à l’école du devoir, et il n’y en a pas de meilleure que noire armée. Je lui amène mon fils. J’ai voulu, ajoute-t-il, honorer publiquement le 12e pour la vaillante conduite qu’il n’a cessé de tenir pendant la campagne, depuis sa défense du pont de Visé le 4 août jusqu’à la brillante défense de Dixmude, où il a repoussé quinze attaques allemandes et perdu le tiers de son effectif. Honneur à lui et à son colonel Jacques, qui, blessé à deux reprises, le 20 et le 21 septembre, est resté chaque fois à la tête de ses troupes ! »

Voilà comment la Belgique d’aujourd’hui, représentée par le roi Albert, enseignait la Belgique de demain, incarnée dans le duc de Brabant. Et sous un ciel où rougeoyaient les feux de l’artillerie, le chant du Lion de Flandre sortant du fond des tranchées allait apprendre aux Allemands que cette petite nation, après un an de guerre, était encore debout en face d’eux, frémissante d’orgueil et de courage. Non, ils le disent eux-mêmes dans un chant patriotique dont les paroles semblent faites pour nous, « non, ce n’est pas le nombre des chevaux, des hommes et des armes qui affermit le trône des rois, c’est le patriotisme, c’est le dévouement des hommes libres qui leur donne une base aussi inébranlable qu’un rocher dans la mer. »

De l’armée belge il suffit de dire qu’elle a été digne de son roi. Elle a fait admirablement son devoir. Aucune autre dans la guerre actuelle, qu’il soit permis de le constater sans diminuer la gloire de personne, n’a eu à soutenir une lutte plus rude, une campagne plus épuisante. Son courage, son endurance, sa foi dans la patrie ont été superbes, et rien n’est touchant comme le culte qu’elle a voué au jeune héros couronné qui la conduit à la gloire et à la mort. Les volontaires ont afflué sous les drapeaux dès le premier jour ; il y en avait 40 000 la