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à celle de la mortalité générale à Paris. Dans le même ordre d’idées, il convient de signaler qu’à l’hôpital des enfants, la proportion des décès n’a jamais dépassé 6 pour 100.

Telle est cette ouvre admirable et si profondément originale du Secours de guerre. A côté d’œuvres charitables d’un caractère différent, — comme « le Secours national, » qui a drainé si utilement les ressources de la charité privée pour les répartir entre diverses organisations charitables, — le Secours de guerre a, par d’autres méthodes hardies et audacieuses, et en se tenant en contact direct avec les malheureux, bien mérité de la solidarité nationale.

Cette œuvre, il ne faut pas la laisser périr et tomber en quenouille sous prétexte que la guerre est finie ; de même qu’en ce moment, à Cannes, les Croix-Rouges assemblées s’organisent pour appliquer aux souffrances inévitables, même dans la paix, les activités que la guerre a stimulées en elles, pareillement il faut que demain le Secours de guerre soit le grand refuge temporaire des misères de la grand ville. La paix aussi aura demain ses réfugiés : détresses passagères auxquelles le moindre réconfort rendrait le courage et qui n’ont trop souvent d’autre issue que le suicide, la prostitution ou le crime : jeunes filles ou domestiques sans place, employés momentanément sans travail, familles expulsées de leur logement, etc. Il n’existe aucun moyen aujourd’hui dans Paris de venir en aide à ces infortunes d’un jour que la guerre a multipliées. La maison de Saint-Sulpice doit et peut être le grand caravansérail de la charité, l’asile qui les accueillera, les réchauffera, les réconfortera un instant. Il peut donner à Paris cela qui lui manque et qui existe dans tant de villes américaines ou anglaises, — car il vaut mieux ne pas parler des asiles de nuit parisiens, refuges lamentables des misères les moins intéressantes.

Il serait monstrueux et lamentable de vouloir une fois de plus désaffecter Saint Sulpice en lui arrachant cet avenir de charité tout préparé, pour le transformer en je ne sais quel ministère, en grenier à paperasses. Ce serait un sacrilège contre la religion de l’humanité, pour parler comme Don Juan : les pouvoirs publics ne le permettront pas.

Charles Nordmann.