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Il y avait là un danger à éviter sous peine de voir une épidémie se répandre de Saint-Sulpice dans les quartiers avoisinants. Comme il ne pouvait être question à ce moment, faute d’argent et de temps, d’une organisation prophylactique étudiée, il fallut, pendant les premiers temps, recourir aux moyens héroïques. En quelques jours, des lavages furent improvisés dans tous les coins à l’aide de tonneaux sciés en deux, de récipients quelconques dans lesquels arrivait l’eau courante par des tuyaux accrochés à la hâte et branchés sur les canalisations de la ville. Un vaste lavoir de fortune fut organisé dans les mêmes conditions ; le linge souillé pouvait du moins être passé à l’eau bouillante et d’abondantes distributions d’hypochlorite de soude faisaient le reste : on utilisa même, — horresco referens, — pour le rinçage du linge, l’antique vasque des jardins, découverte sons les décombres. Le murmure de ses eaux, — nous dit Ernest Renan dans ses Souvenirs de jeunesse, — avait bercé souvent ses longues nuits d’insomnie pendant son séjour au séminaire.

Ces premières mesures d’hygiène furent complétées par le lavage systématique des sols au crésyl versé à plein arrosoir. On brûla sans hésiter tous les vêtements et la lingerie dont l’infection était vraiment excessive ; de vastes chambres à acide sulfureux furent installées rapidement et servirent à la désinfection sommaire des vêtements encore utilisables.

A ce moment, on ne disposait, en dehors des cinq cents lits fournis par la population, que de paille pour le couchage. (C’est ainsi d’ailleurs qu’au XIVe siècle les Vieilles Handriettes, véritables précurseurs du Secours de guerre, avaient débuté dans leur organisation de l’hospitalisation en commun.) On ne pouvait sommer à utiliser la paille qu’envahissaient immédiatement les parasites ; on se contentait de la brûler. On se représente quelle dut être, pendant ces premiers mois, la vie de cette poignée de personnes : gardiens de la paix, commerçants, professeurs qui, bénévolement, acceptèrent d’accomplir cette besogne. Le plus curieux, c’est que nul ne semblait y apporter la moindre répugnance ; un extraordinaire entrain régnait, au contraire, dans ce milieu, et ce n’était pas là un des moindres éléments de réconfort moral pour les pauvres gens dont on avait soin

Quoi qu’il en soit, à aucun moment il ne se produisit d’épidémies, et les détracteurs du Secours de guerre (car toute initiative trouve des détracteurs) qui avaient pris le prétexte du danger d’épidémies pour attaquer l’œuvre naissante, en fuient pour leurs frais. Dès le début de 1915, plusieurs hautes autorités médicales, des hygiénistes