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écarter systématiquement toute idée d’allocations, mais on ne pouvait les considérer comme une panacée ; la solution du problème était ailleurs.

La première mesure qu’il convenait alors de, prendre était d’apporter un peu d’ordre dans l’exode des malheureux dont le nombre grossissait chaque jour, et que l’on voyait aux abords des gares, parqués comme de lamentables troupeaux. Tous imploraient quelques indications, quelques conseils, et surtout du travail. Il fallait donc procéder à un premier triage, permettant de récupérer les éléments valides, et de diriger ensuite chacun selon ses aptitudes vers divers points du territoire, selon une méthode bien arrêtée. Or, la seule préoccupation, qui était devenue une véritable hantise, était d’évacuer à tout prix les réfugiés vers l’intérieur de la France sans se préoccuper de ce qu’ils pourraient devenir par la suite. Quand une ville était arrivée au point de saturation, on passait à une autre, et ainsi de suite, de sorte que, pour éviter tout effort d’organisation, sous prétexte de décongestionner Paris, on créait sur certains points du territoire un encombrement et une confusion inexprimables. C’est ainsi que, pendant des semaines, on dirigea des milliers de Belges vers Saint-Étienne, en partant de ce postulat que tous les Belges étaient mineurs. Les résultats d’un semblable système, — à supposer que ce fût un système, — ne se firent pas attendre : non seulement c’était le renchérissement considérable du prix de la vie sur certains points, la difficulté de se loger, mais aussi l’impossibilité de se procurer un travail quelconque, et des malentendus continuels qui ne devaient pas tarder à dégénérer en hostilités de la population à l’égard des réfugiés.

Chose admirable chez un peuple qu’on a un peu facilement taxe de légèreté et d’ « emballement, » l’élan de charité qui, dès ces jours inoubliables, souleva les Parisiens, se prolongea pendant toute la durée des hostilités, et il n’est pas encore arrêté. Aujourd’hui, nous sommes arrivés au dénouement de la lutte, et pour l’écrivain qui voudra se borner à mettre en lumière certains épisodes de l’immense épopée, ce sera une bien touchante histoire à écrire que celle de la bienfaisance privée à Paris et dans nos grandes villes durant le conflit universel.

Si l’œuvre du Secours de guerre était entièrement dénuée de ressources, elle était du moins riche du dévouement des gardiens de la