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l’argent, dans la fausse conception « monétaire » des choses ; qu’importe, économiquement, que notre revenu national soit grossi en argent, s’il est réduit en nature ? — Sans doute, mais financièrement, plus ce revenu national est accru, fût-ce en valeur, plus il est à même de satisfaire à un impôt accru : si la France supporte actuellement sans trop de peine une grosse surcharge fiscale, — trois milliards d’impôts nouveaux, alors que nous avons en moins les contributions des pays envahis et des mobilisés, — c’est grâce à la hausse en valeur du revenu national, grâce au renchérissement qui allège le fardeau et facilite le jeu de nos finances. La nef budgétaire, bien qu’alourdie, flotte mieux en hautes eaux.

Seulement, il faut se garder de croire que ce secours temporaire nous fournisse la solution du problème financier de l’avenir : les difficultés, aujourd’hui dissimulées, n’en sont que remises, et c’est pourquoi nous ne pouvons nous féliciter du bénéfice que tire aujourd’hui le fisc du phénomène du renchérissement, ni espérer, comme on nous y invite parfois, que, par sa seule vertu, l’impôt futur ne pèsera guère sur le pays d’un poids plus lourd qu’il ne faisait avant la guerre. Un jour viendra où la baisse des prix fera baisser à la fois le rendement des impôts et la valeur du revenu national, et ce jour-là, nos déficits budgétaires, déjà énormes, se verront singulièrement aggravés. Dieu veuille qu’on n’écoule pas alors ceux qui voudraient, à l’exemple des inflationists américains d’après la guerre de Sécession, prolonger l’ère des hauts prix, parce qu’ils en profitent : le remède .serait pire que le mail Mais Dieu veuille que le développement économique ait alors fait progresser le revenu réel du pays en même temps que ses forces contributives, et que, par un phénomène inverse à celui dont nous sommes aujourd’hui témoins, une hausse effective de ce revenu national soit venue compenser, et au delà, sa baisse en valeur ! Ce n’est qu’à ce prix que pourra s’opérer, au point de vue financier, la transition entre l’ancien ordre de choses et l’ordre du monde nouveau, entre le passe et l’avenir.


IV

L’avenir ! Au lieu de regarder, comme nous venons de le faire, dix ou vingt ans en avant de nous, ou trente, — qu’est-ce