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s’accroît en population : de 1815 à 1832, les Iles Britanniques gagnent 6 millions d’habitants. Financièrement, le progrès économique donne au pays le point d’appui nécessaire à son relèvement. Il rétablit le crédit de la nation ; dès 1824, les consolidés britanniques sont remontés à 96, le plus haut point depuis 1792 ; la dette se réduit peu à peu, en capital et en intérêts, par l’amortissement et les conversions ; son capital ne se monte plus en 1830 qu’à 784 millions de sterling, au lieu de 885 en 1816. De même, le chiffre du budget annuel s’abaisse progressivement jusqu’en 1833, date à partir de laquelle il reprendra sa marche ascendante. La fortune du Royaume-Uni, de 1815 à 1832, s’augmente de 50 pour 100, ce qui équivaut, si l’on tient compte de la baisse des prix, à une hausse réelle de 80 p. 100. En 1814, le capital national était évalué à 2 700 millions de livres, en pleine période de renchérissement ; en 1840, au temps de la dépréciation, on le comptera à 4 milliards. Grâce à cet accroissement de richesse, l’impôt, si lourd soit-il, se supporte. L’effort industriel est venu à l’aide de l’effort fiscal, il le soutient, il le « conditionne. »

Faut-il ajouter qu’il le suppose, et prétendrons-nous que si la rapide croissance économique du pays a permis alors à l’Angleterre de supporter une charge de contributions qui autrement l’eût écrasée, il n’est pas moins vrai de dire qu’inversement la surélévation de l’impôt a elle-même contribué au développement industriel de la nation, et que, sans la guerre, l’industrie britannique n’aurait pas réalisé en si peu de temps de si magnifiques progrès ? C’est la thèse de l’impôt « stimulant, » qui se fait jour alors en Angleterre, sous l’empire des événements, et que l’économiste Mac Culloch développera bientôt dans son « Traité sur la taxation : » elle n’est pas moins de circonstance à l’heure actuelle et chez nous qu’elle n’était il y a cent ans chez nos voisins ! Comme l’oisiveté est la mère des vices, la nécessité est celle des vertus économiques, efforts, invention, épargne ; en poussant l’homme à la production, en excitant son énergie, la pression de l’impôt provoque dans le pays une tension générale des volontés, un développement de toutes les forces, comparable, observe Mac Culloch, à l’influence exercée sur un père de famille par la venue des enfants et la multiplication des bouches à nourrir. « Le poids toujours croissant de la taxation pendant la guerre commencée en 1793,