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des hommes qui venaient de faire la guerre et savaient ce qu’elle est, s’étaient attachés surtout à mettre en relief » l’importance prépondérante du feu, » alors que, par exemple, ils avaient sagement prévu, pour le combat offensif, des renforts et des soutiens de compagnie, pourquoi, par quel paradoxe, les rédacteurs de nos Règlements ultérieurs s’étaient-ils progressivement départis de cette juste humilité devant la puissance du feu, et cela précisément à mesure que la mise en service d’engins plus meurtriers accroissait cette puissance ? Pourquoi en était-on presque arrivé à estimer que l’arme véritable du fantassin, c’est le fantassin lui-même ?

Tandis que notre antique Règlement de 1875 avait étudié avec tant de détail les modes et conditions du combat défensif, reconnaissances, organisation du terrain, construction de tranchées, abris, flanquement, etc., pourquoi, par quel orgueil notre pratique ultérieure avait-elle peu à peu délaissé cette étude ? Pourquoi l’exiguïté de nos règlements sur l’emploi de la mitrailleuse ?

Pourquoi notre fusil (modèle 1886, modifié en 1893) était-il le plus archaïque des fusils en service dans les armées de l’Europe ?

Pourquoi nos uniformes éclatants, képi rouge et pantalon rouge, en face du gris de campagne allemand ?

Pourquoi si peu d’empressement dans l’élite de notre jeunesse à rechercher le titre d’officier de réserve ? Pourquoi si peu de sous-officiers rengagés ? Pourquoi tant de sursis d’appel octroyés aux réservistes ? Pourquoi réduisait-on sans cesse la durée de leurs périodes d’instruction ? Et tandis que l’Allemagne, dès les premières batailles, put engager presque au même titre que ses corps d’armée actifs treize corps de réserve, solidement encadrés et bien exercés, pourquoi chez nous, durant des semaines, faute de cadres et d’entraînement, des dizaines de milliers de réservistes demeurèrent-ils simplement des rationnaires ?

Pourquoi avions-nous toujours différé d’établir de vastes camps d’instruction où l’on pût faire manœuvrer des troupes de toutes armes, alors que les Allemands en avaient établi au moins un par corps d’armée ? Puisque la technique du combat est de pur métier, toute de pratique et de dressage, pourquoi réduisions-nous nos régiments à s’agiter dans des cours de