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Gloire à ceux qui perdent la vue
Pour sauver ce que nous voyons !
Gloire aux âmes qui dans la rue
Ont des béquilles pour rayons !
Et puisqu’elles se sont crispées
Sur de plus sublimes épées
Que celles des combats humains,
Avec d’humbles lèvres avides
Allons, au bord des manches vides,
Baiser les invisibles mains !

Ah ! que d’une voix métallique,
Aux quatre coins de la Cité,
Comme une prière publique
L’Ordre du Jour soit récité !
Mettons les noms en litanies.
Sachons par cœur les agonies.
Et croyons voir, du livre ouvert,
S’envoler chaque paragraphe,
Pour aller devenir agrafe
Sur quelque ruban rouge et vert !

Combien de ces Croix, réservées
A des Morts pour la Nation,
N’auront pas été soulevées
Par une respiration !
La Croix, faite pour la poitrine,
Se sent mourir dans la vitrine,
Et c’est comme un second trépas ;
J’ai toujours pensé que la mère
Devrait porter la Croix de Guerre
Quand le fils ne la porte pas.

Oui, demandons que sur leur voile,
Avec un déchirant orgueil,
Les mères portent cette étoile,
Tant qu’elles porteront le deuil,
Pour qu’aux yeux de la foule émue