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La France est dure que lu palpes !
Nos petits canons magistraux
Ont allongé leur trajectoire,
Et l’on sonne une goutte à boire
Qui n’est plus celle des bistros !

Quand la charge sonne, on halète,
Mais on fera ce qu’il faudra,
Sobre, et n’ayant pour épaulette
Qu’un seul petit rouleau de drap !
La goutte à boire sera bue !
Et tandis que l’on « contribue »
En soldat simple d’aujourd’hui,
Et tandis que l’on « participe, »
C’est au nuage d’une pipe
Que tout le panache est réduit !

Plus de cheval noir qui se cabre
Pour les Géricault de demain !
Le plus sabreur jette son sabre
Et s’en va la canne à la main.
Canne à la main, pipe à la bouche,
Ce héros sans geste nous louche
Autant que Ney ou que Murat.
Mais si la mitraille le tue.
Comment fera-t-on sa statue ?
Je suis tranquille : on la fera.

— Grenadier, ta main ?... — Elle flambe !
Mais j’ai mis le feu. — Dur blessé,
Ta jambe ?... — Pas besoin de jambe
Pour tirer du fond d’un fossé !
— Est-ce toi, Fanfan-la-Tulipe,
Qui pleures du sang comme Œdipe ?
— C’est bien moi. — Que veux-tu ! — Je veux
Rendre compte à mon capitaine
De ce que j’ai vu dans la plaine
Lorsque j’avais encor des yeux !