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qui lui a été solennellement garantie par les chefs de l’armée victorieuse, une nouvelle ère de liberté, de prospérité et de bonheur.

« L’Assemblée nationale, préoccupée de ne laisser subsister ni en France, ni chez les nations alliées, ni chez les neutres, ni chez l’ennemi, le moindre doute sur les sentiments véritables des Alsaciens et des Lorrains, constate que l’agitation neutraliste était l’œuvre d’une intime minorité ou d’agents allemands, et déclare solennellement que, fidèle interprète de la volonté constante et irréductible de la population de .l’Alsace et de la Lorraine, exprimée déjà en 1871 par ses représentants à l’Assemblée de Bordeaux, elle considère à jamais comme inviolable et imprescriptible le droit des Alsaciens et des Lorrains de rester membres de la famille française. L’Assemblée nationale estime comme un devoir, avant de s’ajourner, de proclamer à son tour :

« La rentrée de l’Alsace et de la Lorraine dans le droit, le rattachement à la France indiscutable et définitif. »

Je regardais, pendant la lecture de cette déclaration catégorique, les quarante députés, socialistes, libéraux, catholiques, nationalistes : c’étaient des gens graves, solides, le front têtu de nos provinces de l’Est, l’expression passagèrement ironique, tous de bons Français de nos Marches. Je me disais : « Voici une belle force à verser dans notre Palais-Bourbon ; les plateaux de notre balance vont se trouver derechef dans l’équilibre qu’a rompu le traité de Francfort. »

Tous, presque d’un bond, se levèrent pour le vote, des socialistes qu’on réputait « internationalistes » aux catholiques qu’on disait « romains, » et l’unanimité prévue se constata. Il y eut de grands applaudissements dans la salle, dans les tribunes. Alors l’abbé Delsor, fort ému, souligna d’un discours très heureux le vote émis et les événements révolus : « Le référendum est fait. Il s’est accompli dans un enthousiasme indescriptible, de village en village, de cité en cité, sur les pas triomphants de nos légions victorieuses. » Les tribunes se levèrent alors pour acclamer. Et soudain ce fut plus vive émotion encore : le député de Molsheim saluait les morts, ces protestataires qui, par leur courageuse résistance, des Grosjean et des Kablé de l’Assemblée de Bordeaux, des Dupont des Loges, des Teutsch, des Antoine, du Reichstag de Berlin, à Jacques Preiss,