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La 2e Chambre du ci-devant Landtag s’était, on se le rappelle, transformée, dès le 12 novembre, en Assemblée nationale. Les événements avaient marché si vite que le rôle qu’un instant elle avait pensé assumer, lui avait été dérobé. Les citoyens, sans trop s’inquiéter de savoir s’ils avaient des représentants, s’étaient portés vers la France d’un mouvement spontané ; une fois de plus, les électeurs avaient été plus vite que les élus. « Nos députés n’ont plus guère à dire qu’Ainsi soit-il, » disait-on en souriant. Mais quoi : les plus belles oraisons ne se terminent- elles point par l’Amen ? Ce qui était curieux dans l’événement, c’était que, la foule des fidèles ayant dit l’oraison, ce fût du haut des marches de l’autel que l’Amen fût dit.

Bien entendu ne s’agissait-il point, pour l’Assemblée, de conférer un droit à la France, mais bien de proclamer ce droit, — déclaré imprescriptible à Bordeaux comme à Berlin, par les élus de l’Alsace et de la Lorraine de 1871 comme par ceux de 1874. C’est ce qu’on attendait des députés de l’ancien Landtag dans la journée du 5 décembre. J’assistai à cette séance : en dépit du cadre étroit et des circonstances qui en diminuaient l’importance, elle ne manqua point de grandeur.

L’abbé Delsor, député de Molsheim, présidait : l’ancien président de la 2e Chambre, le docteur Ricklin avait disparu, naturellement : le brave curé alsacien le remplaçait au fauteuil, portant son rabat restitué comme on porte un drapeau reconquis. Dans la salle où jadis, sous l’œil des Statthalters, Landesauschuss et 2e Chambre du Landtag avaient maintes fois dû constater l’incompatibilité des intérêts de l’Alsace-Lorraine et de ceux de l’Allemagne, mais aussi la vanité d’une opposition sans cesse méprisée et refoulée, l’heure de la revanche avait sonné. Sur soixante députés, les Allemands et les quelques Alsaciens-Lorrains trop compromis étant partis, quarante-deux siégeaient, appartenant à tous les groupes, et c’étaient tous les groupes qui proposaient au vote de l’Assemblée la déclaration dont l’abbé Delsor donna lecture :

« Les députés d’Alsace et de Lorraine, issus du suffrage universel et constitués en Assemblée nationale, saluent avec joie le retour de l’Alsace et de la Lorraine à la France, après une longue et cruelle séparation. Nos provinces seront fières de devoir à la mère-patrie retrouvée, avec la sauvegarde de leurs traditions, de leurs croyances et de leurs intérêts économiques