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mais je ne jurerais pas que cela ne faisait pas plaisir plus grand encore aux Messins du Ring redevenu Avenue. C’est ainsi encore que la Kaiserin Augusta dut céder devant le Maréchal Joffre, que la Kaiser Wilhelmstrasse fut livrée au Maréchal Pétain, que Mangin eut la Militarstrasse et Maud’huy la Kaiserin Luisen Platz. Soudain, la vieille porte, baptisée paradoxalement Friedrich Karl Thor, redevenait Serpenoise et, comble de revanche, l’Hohenzollernstrasse se réveillait triomphalement rue de Verdun.

Chacun de ces événements, grands et petits, était cause de réjouissance où l’ironie lorraine, le mordant alsacien se satisfaisaient par surcroit.

Mais ce qui surtout « faisait bon effet, » c’était que l’on aperçût les grands chefs à l’église. Je ne sais si j’ai vu un vœu émis plus fréquemment, plus ardemment, que celui dont une lettre me donne la formule : « Nos cœurs vont à la France avec la confiance qu’elle saura respecter ce qu’elle a cultivé jadis en nous : nos convictions religieuses, cet héritage de nos parents auquel nous tenons plus qu’à la vie. » Catholiques, protestants, Israélites, tous étaient sur ce point d’accord : on demandait le respect, et plus que le respect, des croyances religieuses. Les Allemands avaient sur ce point répandu de telles légendes qu’on acclamait tout geste qui les venait démentir. J’ai dit, d’autre part, comment, un peu avant l’armistice, on avait tenté, en représentant aux curés et pasteurs la France comme un Antéchrist menaçant, d’obtenir qu’ils appuyassent le mouvement autonomiste, ils avaient répondu : « Nous préférons la France, n’importe quelle France ! » Ils eussent souffert cependant de la voir arriver impie, ou même indifférente. La moindre démarche d’un sens religieux remplissait de joie les âmes.


La question du plébiscite avait été enterrée sous les fleurs de Mulhouse, les hommages de Metz, les acclamations de Strasbourg et de Colmar. Les Allemands d’Alsace eux-mêmes, nous l’avons vu, y renonçaient devant le spectacle qu’offrait la province. L’Alsace-Lorraine arrachée à la France lui revenait sans réserve, sans condition, sans hésitation, sans discussion. Il parut opportun à ses élus de faire entendre leurs voix.