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même de prêt qui étaient le moyen le plus sûr de lui enlever son indépendance, de le déposséder et finalement de le déraciner pour implanter des Allemands sur le sol qui de tout temps lui avait appartenu.

Le travail politique fut si intense que, depuis 1890 où le nombre des voix danoises descendit le plus bas par suite de l’émigration, il n’a cessé de monter. Cette résistance opiniâtre et pratique dans les moyens qu’elle employait, n’était l’œuvre que des Slesvigois septentrionaux, environ 150 000 personnes, mais leur succès, l’exemple de solidarité et de persévérance qu’ils donnaient firent surgir de plus en plus dans le centre, des survivances de sentiments danois.

La guerre arriva comme l’épreuve suprême. Un régime de terreur allait régner. Dès le vendredi 31 août, aussitôt que l’Allemagne fut déclarée en état de siège, on arrêta en masse le député Hanssen et les journalistes, les propriétaires et les simples pêcheurs. La petite île de Barsö fut presque complètement privée de ses habitants ; on emprisonna aussi les femmes. Quelques-uns des prisonniers, regardés comme dangereux, furent mis en cellule. On annonça aux captifs, pour les déprimer, que l’Allemagne lui ayant posé un ultimatum, le Danemark s’était joint aux Puissances centrales, leur avait laisse occuper le Jutland et poser des mines dans les BeIls pour empêcher le passage des bâtiments anglais et russes. Les prisonniers ne furent relâchés qu’en septembre.

Il n’y a rien de pire dans le joug étranger que le service militaire et le fait de forcer la nation opprimée à se battre contre les peuples dont elle espère sa libération. Il n’y a rien qui viole plus complètement le droit ni qui porte une atteinte plus directe à la dignité individuelle. Les soldats Slesvigois partirent silencieusement. Leur soumission ne peut étonner ; tout d’abord il n’était possible de s’y soustraire que dans certaines circonstances ; c’était aussi la continuation de la politique reposant sur la légalité qu’on avait adoptée depuis trente-cinq ans à peu près et d’après laquelle on réclamait la jouissance des mêmes droits que les autres citoyens allemands afin de mieux défendre la nationalité danoise. Cependant les soldats slesvigois que j’ai pu voir parce qu’ils étaient prisonniers chez nous m’ont dit n’avoir jamais tiré un coup de fusil contre les Français. Pendant les combats, inactifs, ils cherchaient seulement