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C’est le souvenir d’un jour de printemps. Laure s’était assise sur l’herbe. Dans le rayonnement du soleil, et par une brise légère, les pétales qui s’enlevaient d’un arbre fleuri, voletaient tout autour d’elle en une auréole d’or, comme un « nimbe amoureux. » Elle était « tout humble, au milieu d’une si grande gloire. » Une fleur tombait sur sa robe, une sur ses cheveux ; d’autres par terre auprès d’elle : d’autres flottaient sur l’eau. Celles qui tournoyaient par les airs semblaient annoncer : « Ici règne Amour ! »

Dans cette fête non pareille, le poète perd la notion du lieu et du temps, car, à la joie des fleurs et de la lumière, Madame ajoute celle de ses grâces.


L’attitude divine
Et les paroles, et le doux rire
m’avaient éloigné tellement
de la figure vraie des choses,
que je disais, en soupirant :
« Ici comment suis-je venu, et quand ? »


Mais tout passe ! Après que Madame est partie, il semble au poète que le lieu est sanctifié. Dans la suite de ses jours, il ne retrouvera jamais la paix, que sur le « gazon » de Vaucluse.


Herbe verdelette, fleurs de mille couleurs,
éparses sous l’yeuse antique et noire,
réclament un beau pied qui les touche et les foule !
Et le ciel, de légères, luisantes étincelles
s’allume alentour, et semble plein d’allégresse
d’avoir reçu, des beaux yeux, sa sérénité.


Tout, et jusqu’au moindre brin de fleur, a appris à palpiter de sa joie : les arbrisseaux minces et sveltes, avec leurs premières feuilles tendres ; les violettes « amoureuses et pâles. »

Toute la nature, sous toutes ses formes, est unie à ses sentiments, parfois joyeux, dans le printemps et la lumière, plus souvent douloureux. Alors ils s’exhalent en lamentations dont retentissent les monts et les vaux. Il n’est pas, dit-il,


... un roc, qui par coutume
n’ait appris à brûler par l’effet de ma flamme.