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qui ont résisté à tout, aux menaces, aux promesses, aux avances, aux persécutions, parce qu’on les avait sans leur consentement enlevés à leur patrie, qu’on retrouve ayant tenu bon ; oui, c’est beau. Il n’y a pas que les Français qui peuvent en être fiers, cela donne beaucoup d’orgueil d’être homme. »

Ainsi, de toutes parts, de toutes les bouches, s’élevaient en ces semaines les actions de grâce. L’Alsace-Lorraine semblait tout à la fois un sanctuaire où se chantaient mille Te Deum, Magnificat et Nunc dimittis, et un club de 1792 où, entre deux Marseillaises brûlantes, s’échangeaient les baisers fraternels, les protestations d’amour éternel et de haine aux tyrans. L’amour, la joie, la reconnaissance, l’ivresse de la victoire et celle de la liberté, la haine de l’oppresseur satisfaite, la tendresse entre les frères retrouvés exaltaient les âmes, embrasaient les cœurs et se confondaient en un immense Alléluia. Journées inoubliables où il y avait dans l’air de l’épopée et de l’idylle, et après la trop longue tragédie, l’explosion, jusque dans les plus modestes milieux, d’un prodigieux lyrisme.

Alors l’Alsace et la Lorraine, ayant, devant les armées françaises, déroulé comme un tapis de fleurs merveilleuses tissé d’or et de pourpre, se tournèrent vers la France et lui dirent : « Nous reconnais-tu ? » La réponse allait leur être apportée par la France elle-même et par le plus autorisé de ses interprètes, le président lorrain, Raymond Poincaré.


LOUIS MADELIN.