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M. Prevel, une des plus notables victimes de l’Allemagne, puisqu’il sortait de la forteresse d’Ehrenbreistein après quatre ans et plus de captivité. A son éloquente harangue, le maréchal, dit-on, répondit qu’il ne ferait pas de discours, « le discours n’étant pas son fort. » Mais il reçut, avec cette bonhomie un peu narquoise qui lui est coutumière, les gerbes de fleurs des petites Lorraines « trop belles. »

A la cathédrale où le grand chef alla finir sa journée, le vicaire général le salua presque en enfant de la cité. « Ici, à Metz, nous sommes particulièrement heureux et fiers de saluer l’ancien élève de Saint-Clément, le vaillant chrétien, le grand soldat, le sauveur de la France, le libérateur de la Lorraine qui, dans l’histoire, aura sa place à côté de Du Guesclin, de Bayard, de Jeanne d’Arc. » Le maréchal, avec gravité, répondit : « Je suis venu ici remercier le Dieu des Armées avec tout ce que cela comporte. » Et il alla s’agenouiller, lui aussi, à la tombe de Dupont des Loges et devant l’autel où éclatait le Te Deum. Il partit brusquement comme il était venu, laissant Metz émerveillé de sa jeunesse d’allures et de caractère, de ses boutades dont la mâle rudesse se tempérait de tant de bonhomie souriante.

A Strasbourg, où il entra avec les généraux de Castelnau, Vandenberg et Weygand, il voulut voir les troupes sur la place Kléber où il arriva, dit un témoin, « au milieu d’un rugissement de joie. » « Il portait, observe le même témoin, son képi légèrement sur l’oreille, à la Mac-Mahon, » Il s’avança vers Kléber et l’on vit alors qu’il avait en sautoir un baudrier de cuir rouge supportant un magnifique sabre turc, un damas de grand style ; c’était le propre sabre du héros d’Héliopolis. Le maréchal tira le sabre de Kléber hors du fourreau et salua le grand soldat : on ne s’étonnait plus de rien à cette heure-là en Alsace-Lorraine, tant les heures merveilleuses succédaient aux merveilleuses heures. La Marseillaise retentissant, Foch embrassa le socle de la statue sous lequel dort le héros, et, après un long regard à Kléber, quitta la place pour aller passer sa revue à l’Esplanade. A la cathédrale, on le vit, comme à Metz » s’abîmer en une courte méditation. Puis il quitta la ville, laissant une impression profonde. « Mercredi, le maréchal Foch a visité Strasbourg, écrit-on. Le salut à Kléber et au drapeau était si imposant que je ne pourrais le décrire.. Nous sommes