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de toutes les rues, de toutes les places, de tous 1es faubourgs en fête, s’élevaient les Te Deum, les Magnificat et les Nunc dimittis, les cantiques d’actions de grâces et les hymnes au Seigneur.

Et je me rappelais ce jour où j’avais vu entrer en cette ville l’empereur allemand, dans l’appareil magnifique que j’ai dit, mais au milieu du silence consterné et poignant d’un peuple.


LE GÉNÉRAL DE CASTELNAU À COLMAR

À l’heure où Gouraud entrait à Strasbourg, le général de Castelnau se préparait à franchir, à la tête des troupes, la barrière de Colmar.

Le général Messimy y était, le premier, entré, le béret sur l’oreille, le 18, avec sa vaillante 162e division et déjà l’enthousiasme de la ville avait transformé, là encore, cette première apparition en une solennelle prise de possession. J’imagine facilement ce que fut le premier contact. Le charmant Colmar était resté la ville la plus alsacienne qui fût : c’était la chère cité qui, pendant les jours sombres où rôdait peut-être en Alsace l’esprit de ralliement, de défection et de reniement, portait à la mairie Blumenthal, au Reichstag Jacques Preiss, acclamait l’opposition irréductible de Wetterlé, soutenait de ses applaudissements et de ses rires la campagne de Hansi ; oui, chère ville qui, je l’ai dit, aux rares heures où, nous-mêmes, pouvions nous laisser aller au cruel doute, nous réchauffait de son courage et de sa foi ; peu d’Allemands se mêlaient à cette noble population celte ; des chasseurs à pied descendant des Vosges se trouvent en famille s’ils s’installent à Colmar.

Messimy, éloquent, vibrant et qui, après une belle campagne, a, pour parler de la France, une bien autre autorité que lorsque, ministre civil de la Guerre, il n’était que l’homme de la politique, ne s’est pas dérobé à l’émotion du moment : et la rencontre a été magnifique, du côté de Colmar d’enthousiasme spontané, du côté du général français de pathétique expansion. L’adjoint M. Engel a pu s’écrier : « Le 18 novembre 1918 sera le jour le plus mémorable dans les fastes de l’histoire de la ville de Colmar. C’est vraiment le plus beau jour de notre vie. » Pas un Colmarien qui ne s’associe à cette touchante déclaration. Au milieu de la cohue des jeunes papillons, on a vu