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très sain, court en cette foule en liesse ! » Nous avons du soleil dans le cœur, » disent les jeunes filles. Le fait est qu’elles rayonnent. Déjà le Maréchal a quitté Strasbourg, la cathédrale frémit cependant encore des échos du Te Deum, les places de celui de mille Marseillaises. Dans les cœurs alsaciens se garde le souvenir du beau soldat qui, à la fois si digne et si abordable, a traversé les places et les rues d’un pas si jeune, si preste. « Les troupes, écrit une Strasbourgeoise, sont admirables de tenue et de vigueur ; les chefs sont d’une simplicité d’allure et d’un abord si aimable qu’ils ont conquis tous les cœurs. »


Et le lendemain montèrent solennellement vers le Très Haut les remerciements d’une ville religieuse : la Cathédrale, le Temple Neuf, la Synagogue s’ouvrirent à des services d’actions de grâces. De nouveau devant un parterre bleu pâle de cinq cents officiers, de milliers de soldats, un chanoine entonna le Te Deum sous le haut vaisseau de la vieille cathédrale ; de nouveau un chanoine dit la joie des âmes devant le miracle que Dieu avait fait pour son peuple : car aux Gesta Dei per Francos répondaient les Gesta Francorum per Deum. Au temple, ce fut grosse émotion quand le vénérable pasteur Gérold, patriote alsacien constamment persécuté, privé de la parole dès 1914 pour discours « séditieux, » condamné, — à quatre-vingts ans, -— à la prison pour avoir secouru des prisonniers français, monta en chaire et, dans un discours vraiment sublime en sa simplicité, montra Dieu frappant les coupables et faisant éclater sa justice. Après le Te Deum de la cathédrale, j’avais tenu à assister au discours de ce grand chrétien ; je le vis tel que je me le figurais, l’œil doux et le front têtu, — de ces hommes qui montèrent au bûcher, le regard assuré et confiants dans le triomphe de leur cause. Et je vis aussi à la synagogue enguirlandée de roses rouges et de rubans tricolores, après que se fut élevé l’exaltant Cantique de David devant Saül, les officiants présenter aux fidèles les Tables de la Loi sorties du Tabernacle, tandis que les harpes de David ayant préludé sur la Marseillaise, l’hymne national emplissait le sanctuaire.

Ainsi, en ce Strasbourg qui, par tous les moyens, chantait sa délivrance, acclamait ses libérateurs, ce matin du 26, les âmes s’élevèrent-elles vers Dieu. En réalité, depuis cinq jours