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On n’était même pas assuré d’une parfaite liaison. Joffre cherche, par tous les moyens, à peser sur les résolutions de French. Celui-ci est plein de bonne volonté et de bonne grâce, mais il hésite. On en appelle au gouvernement anglais. Lord Kitchener insiste auprès du maréchal French, le 3. French se laisse persuader peu à peu. D’abord, il admet que son armée puisse ne pas se replier au Sud de la Seine, comme il en avait manifesté jusque-là l’intention. Mais dans la soirée du 3, il est repris de ses scrupules. Le général Gallieni vient lui rendre visite à son Quartier général dans la matinée du 4 ; il ne le rencontre pas ; à la suite d’un entretien avec le chef de l’État-major britannique, général Wilson, le gouverneur de Paris ne peut obtenir encore de réponse précise. C’est seulement dans la journée du 4, à treize heures trente, que le maréchal French entre décidément dans les vues du Commandement français, mais encore sous les réserves suivantes : le 5 au matin, les positions des corps britanniques seront modifiées de telle façon qu’ils soient disposés face à l’Est, et l’armée pourra se porter ultérieurement en avant dans la même direction. Joffre a désormais le sentiment qu’il a convaincu le maréchal. Rien que le mouvement indiqué assure l’articulation entre Maunoury et Franchet d’Esperey. Il s’empare de cette promesse.

Reconnaissons, pour être exact et pour être vrai, qu’il restait encore quelque hésitation dans le Haut Commandement britannique. Le 4 septembre, à 4 heures du soir, le maréchal French faisait une enquête personnelle auprès de ses principaux lieutenants. Aux questions posées par lui il était répondu « que les troupes étaient exténuées, mais qu’elles pouvaient tenir tant qu’elles ne seraient pas attaquées. » French concluait encore, à ce moment, qu’il n’était pas possible de marcher de l’avant et que les forces britanniques devaient continuer à se retirer immédiatement derrière la Seine pour se refaire. Le 5 septembre, à la pointe du jour, les ordres sont encore donnés en vue de ce repli.

C’est seulement un peu plus tard, dans la matinée de cette même journée du 5, après une nouvelle visite du général Joffre, que le maréchal French se décide à renoncer à la retraite, et que l’ordre de surseoir arrive dans les corps ; les dispositions sont prises alors pour la marche en avant, en liaison avec Franchet d’Esperey, le 6.