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Grand Quartier Général allemand n’avait pas renoncé à ses desseins sur Paris ; il les avait seulement modifiés. Il admettait, maintenant, que, pour réussir, un effort plus prolongé et plus puissant serait nécessaire. Tout d’abord, il fallait isoler Paris du reste de la France ; et c’est pourquoi l’ordre était maintenu à la cavalerie de la Ire armée (von Kluck) d’apparaître devant Paris et de détruire toutes les voies ferrées qui y conduisent. On préparerait ainsi, non pas le siège, mais l’investissement de Paris, en subordonnant toutefois cette lourde entreprise au succès d’une manœuvre destinée à empêcher toute intervention ultérieure de l’armée de Joffre.

Les ordres donnés à la cavalerie ne furent exécutés que sur certaines parties du front Est : Von Kluck, en effet, avait d’autres vues et il avait besoin des divisions de von der Marwitz pour réaliser ses propres desseins.

Quant à la manœuvre du Grand Quartier général allemand, elle devait se développer ainsi qu’il suit : premier acte, repousser l’armée française vers le Sud-Est, par conséquent la couper de Paris ; second acte : séparer l’aile gauche du reste de l’armée, l’envelopper et la détruire entre Troyes et Paris. Pour cela, les deux armées von Hausen et von Bülow secondées, en arrière, par l’armée du duc de Wurtemberg, s’avancent les premières, et coupent l’armée de Joffre au Centre, tandis que von Kluck marque le pas en attendant l’heure de foncer à son tour. La marche pour l’encerclement se fera d’abord d’Est en Ouest, telle est la volonté du Haut Commandement. Pour cette exécution, la Ire armée (armée von Kluck) restera donc en arrière d’une journée. Son rôle est le suivant : 1° servir de pivot au mouvement, 2° protéger le flanc des armées allemandes en surveillant les sorties du camp retranché de Paris.

Ainsi, ce n’est pas von Kluck qui marchera d’abord et qui saisira le premier l’armée française : ce sera von Bülow et ensuite von Hausen et le duc de Wurtemberg. L’ensemble de la manœuvré a pour rendez-vous général la région d’entre Montmirail et Troyes : c’est là que se produira « la bataille de Cannes » (Cannæ) recherchée depuis si longtemps.

Pour que ce projet grandiose réussît, il faudrait un fonctionnement parfait de tout le mécanisme : cette épure de cabinet ne se réaliserait sur le terrain que si le champ de bataille était un champ de manœuvres. Or, von Moltke n’a pas