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Les limites du recul sont « conditionnées « par deux considérations de simple bon sens et qui, par conséquent, se rencontrent avec les principes napoléoniens : assurer les communications, assurer les liaisons. Tant que l’ennemi pourra surprendre les communications, le lieu n’est pas sûr et tant que les liaisons ne sont pas parfaitement établies, la force ne peut pas donner son maximum d’effet.

Il est vrai qu’une autre considération d’un grand poids peut faire pencher la balance : le sort de Paris. Dans un camp comme dans l’autre, on sait que la prise de la capitale française précipiterait le sort de la guerre. Les généraux allemands y pensent tout le temps, et Joffre partage, cela n’est pas douteux, l’angoisse qui étreint le cœur de tous les Français et du gouvernement.

Cette considération amène le général en chef à envisager, d’abord, un recul aussi limité que possible ; et c’est celui qui était prescrit par l’Instruction générale du 25 août : elle prévoit, en effet, dans ses articles 7, 8, 9 et 10, , une offensive sur la ligne : le Catelet-la Père, Laon-Berry-au-Bac-Reims-Mortagne-de-Reims-Sainte-Menehould-Verdun. La ligne ainsi déterminée était, en somme, celle sur laquelle se serait engagée, d’après les plans antérieurs, la bataille des Frontières, ligne qui, s’appuyant sur le massif de Lassigny-Roye, sur le massif de Saint-Gobain et sur le massif de la Mortagne-de-Reims se proposait de sauver le véritable boulevard de Paris. D’après l’Instruction générale, la bataille dont il s’agit était pour le 2 septembre au plus tard.

Nous avons dit comment le projet inscrit dans l’instruction générale du 23 août dut être modifié : en deux mots, l’armée n’était pas en place à la date prescrite, et le général en chef ne se sentait assuré ni de ses communications, ni de ses liaisons.

Le 2 septembre, les communications sont encore exposées des deux côtés, à gauche et à droite : en effet, à gauche, l’armée von Kluck a pris de l’avance, grâce à ses marches prodigieuses. A l’heure où les armées alliées auraient dû se caler sur les massifs de Lassigny-Saint-Gobain, ces massifs étaient déjà tournés. La cavalerie de von Richthofen avait atteint Noyon le 30 août, alors que Lanrezac était encore accroché devant Guise. Les gros de l’armée von Kluck, débouchant de Péronne, faisaient plier l’armée Maunoury, à Proyart, le 29 ;