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pour ce qu’elle vaut) est que ce fut un bien et que cette action, décidée héroïquement, fut une des voies du salut.

Son principal défaut (qui ne dépendait pas absolument de la volonté des chefs) fut qu’ayant été improvisée, il lui manqua certaines préparations. Si elle eût réussi, le sort de la guerre eut été décidé et la France n’eût pas souffert. Même ayant échoué, en partie du moins, elle prépara le succès du lendemain. Sans l’offensive de la vingtaine d’août, la bataille de la Marne eût, sans doute, tourné différemment.


II. — UNITÉ DE MÉTHODE DU COMMANDEMENT FRANÇAIS — LA BATAILLE DES FRONTIÈUES ET LA BATAILLE DE LA MARNE NE PEUVENT ÊTRE SÉPARÉES

En somme, c’est le même esprit, la même méthode qui présidèrent à la bataille de la Marne et à la bataille des Frontières. Il est difficile d’admettre qu’un chef soit, tout ensemble, le plus capable et le plus incapable des hommes ; il est difficile de dire à quel moment cette transformation soudaine d’une incapacité flagrante en une capacité quasi miraculeuse se serait produite, quand on voit la chaîne des événements serrée de telle sorte que l’on ne sait lequel de ses anneaux il serait possible de briser.

Du 24 août au 4 septembre, on a dix ou douze jours pour fixer la date d’un revirement si extraordinaire : à quelle heure, à quelle minute faudrait-il le placer ? Est-ce au 25 août, quand est rédigée l’instruction « immortelle » qui contient en germe la bataille future ? Est-ce pendant cette retraite, qui n’est qu’une perpétuelle manœuvre ? Est-ce avant ou après Guise et la Meuse, quand cette belle reprise détruit l’ordre ennemi et devient la cause avérée du « resserrement du front » chez l’adversaire et de la conversion de von Kluck vers le Sud-Est ? Faut il choisir le 3 septembre ou le 4, quand le généralissime a déjà donné les ordres pour l’offensive ? Faut-il admettre que cette forte et savante préparation qui s’appuie sur le pivot Nancy-Verdun, — qui vide les armées de l’Est dans les armées de l’Ouest, — qui prévient, dès le 1er, le camp retranché de Paris qu’il prendra part à la bataille, — qui a créé, dès le 26, l’armée Maunoury, — qui a créé, dès le 29, l’armée Foch, — qui a changé Lanrezac le 3, parce que ses vues étaient