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Tibet, l’alizé qui souffle sur la mer des Indes constituent des énergies disponibles et représentant des milliers de chevaux-vapeur dont la découverte serait précieuse à Paris ou à Londres ; mais, là où on les rencontre, leur valeur est insignifiante ou nulle. C’est dans ce transport de la force au point de consommation qu’intervient surtout l’électricité, dont nous nous sommes à peine trouvé mentionner le nom jusqu’ici. Contrairement à ce qu’on pense souvent, l’électricité n’est pas d’ordinaire une force naturelle, mais un instrument comparable à la vapeur, parfois superposé à elle. Il en serait autrement si on actionnait des dynamos par la foudre, par l’électricité solaire, ou encore par un courant de pile développé au contact de minéraux naturels. Mais, quand on produit, avec de la houille noire ou blanche, un courant qui circule le long d’un fil vers la ville voisine, le charbon ou la chute d’eau représentent la véritable énergie initiale ; l’électricité intervient comme un mécanisme intermédiaire ou comme un engin de transport. De même, si notre électricité est employée à fabriquer des nitrates qui fourniront plus tard des explosifs, ces nitrates artificiels constituent un moyen de fixer et de transporter la puissance de la chute d’eau productrice.

Dès lors, le problème des forces naturelles dans l’après-guerre se pose à nous de la manière suivante. Nous aurons d’abord à chercher par quels moyens on pourra économiser les formes d’énergie déjà en usage et en perfectionner l’emploi. Mais nous devrons examiner en même temps si le bouleversement amené dans toutes les conditions de la vie par un désastre aussi exceptionnel, si le coup de fouet donné à l’esprit de recherche et d’invention par l’intérêt militaire du pays, par des besoins accrus, par des chances de bénéfices inespérées, ne sont pas susceptibles d’accélérer une évolution qui se fût produite autrement avec plus de lenteur. Parmi les conséquence les plus immédiatement visibles et probablement les plus durables de la guerre, il faut compter l’accroissement de prix qui s’est produit pour la houille et le pétrole, pour les transports, pour la main-d’œuvre. Indépendamment de tout progrès technique, voilà trois éléments essentiels du prix de revient qui vont se trouver notablement modifiés et dont les relations nouvelles peuvent entraîner la possibilité d’utiliser un genre de forces auquel on ne songeait pas, ou de chercher des forces anciennes