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Il ne faut pas oublier que les écoles publiques donnant toute garantie aux parents attachés à leur foi religieuse, les croyants de toutes les confessions n’avaient pas, dans le « pays d’Empire, » essayé de créer des écoles libres. Ils se trouveraient donc complètement sans défense, si, avant qu’il leur fût possible d’organiser l’enseignement privé, ils se voyaient contraints de confier leurs enfants aux seuls établissements publics.


Si maintenant nous passons à la législation religieuse proprement dite, l’opposition est encore plus frappante. Quand les Allemands s’emparèrent de l’Alsace-Lorraine, ils y trouvèrent le Concordat français de 1801 et ils obtinrent du Saint-Siège son maintien dans les deux provinces. Le Parlement local s’attacha ensuite à améliorer considérablement la situation matérielle des ministres des cultes. C’est ainsi qu’au moment où la guerre éclata, les curés catholiques touchaient une indemnité de 3 200 mark, les succursalistes, de 2 100, les pasteurs protestants de 4 400, les rabbins, de 3 300, à laquelle s’ajoutaient des suppléments versés par les communes et le logement gratuit. De plus, la loi leur assurait à tous une pension de retraite et le budget prévoyait, outre des secours individuels, des subventions élevées pour la construction et les réparations des édifices consacrés au culte et des presbytères. Les fabriques d’églises et les « cures » (Pfarraemter) avaient la personnalité civile et pouvaient recevoir des donations et des legs. Les protestants, en particulier, disposent, en Alsace-Lorraine, de biens considérables.

On voit par là quel changement profond produirait dans les habitudes du pays l’introduction immédiate et brutale de la loi de séparation. Je le sais, d’aucuns se sont imaginé qu’en assurant aux prêtres, aux pasteurs et aux rabbins, actuellement en exercice, le paiement des indemnités prévues jusqu’à leur mort, on atténuerait l’effet de cette innovation. Ceux qui argumentent de la sorte oublient que la loi ne porte pas seulement sur la suppression des traitements, mais qu’elle comporte l’introduction obligatoire-des cultuelles, que le clergé d’Alsace-Lorraine, pas plus que le clergé du reste de la France, n’acceptera dans la forme jusqu’ici prévue, les inventaires, les confiscations, l’interdiction aux communes de mettre gratuitement les presbytères à la disposition des ministres des cultes. Quel joli don