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et ils restent soumis, pour tout ce qui concerne les programmes et la discipline scolaire, à l’autorité directe du Conseil de l’Instruction publique.

Comme on le voit par ce qui précède, le régime scolaire de l’Alsace-Lorraine n’a pas varié depuis 1871. Tandis qu’en France la neutralité de l’enseignement était progressivement introduite dans la loi, le monopole de l’État, corrigé par la confessionnalité de l’enseignement, s’affirmait chaque jour davantage de l’autre côté des Vosges. En aucune autre matière, l’écart des deux législations n’apparaît plus considérable. De là l’obligation pour les pouvoirs publics de ne pas provoquer un mécontentement profond dans la population des deux provinces retrouvées en opérant un changement trop brusque.

En 1911, la nouvelle loi constitutionnelle fut, pour la première fois, appliquée en Alsace-Lorraine. Le pays venait d’être partagé en 60 circonscriptions de 30 000 habitants chacune. La lutte électorale porta presque exclusivement sur la question scolaire. Centre et Lorrains demandaient le maintien de l’école confessionnelle, les libéraux voulaient l’école mixte, mais avec enseignement religieux obligatoire. Seuls les socialistes étaient partisans de l’école neutre. Le résultat des élections fut le suivant : 40 députés du centre et du groupe lorrain, 9 libéraux, 11 socialistes. Ces chiffres sont probants. Ils nous disent combien l’Alsace-Lorraine est attachée à ses traditions religieuses et combien hostile à tout ce qui pourrait en compromettre la transmission aux générations nouvelles.

La Conférence d’Alsace-Lorraine s’est tout naturellement occupée de cet angoissant problème. L’ancien vice-recteur de l’Université, M. Liard, y avait fait les propositions suivantes : On ne procéderait à aucune laïcisation d’école primaire avant la fin d’une période d’au moins 10 ans ; l’Ortsschulvorstand (conseil scolaire communal dont font partie de droit les ministres des différents cultes) serait maintenu et on s’abstiendrait, dès lors, d’introduire en Alsace-Lorraine l’institution des délégués cantonaux ; enfin les ministres des différents cultes seraient autorisés à donner l’enseignement religieux dans les bâtiments scolaires, en dehors des heures de classe. C’étaient là des concessions insuffisantes. Il était néanmoins de quelque intérêt de noter qu’un des défenseurs les plus convaincus de la neutralité de l’enseignement les avait jugées nécessaires.