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dessins, portraits de grands parents soldats de la Révolution, de la Grande Armée, de l’armée d’Afrique, du second Empire, chromos où Gambetta, emphatique et chevelu, s’entoure de Chanzy, Faidherbe, Bourbaki, Trochu. portraits de Napoléon Ier, de Louis-Philippe, des princes d’Orléans de la belle génération, portraits de Gambetta encore, de Thiers, de Mac-Mahon, images d’Epinal où les régiments s’alignent, des guides verts aux zouaves rouges, drapeaux à la soie passée sur lesquels le coq chante, au-dessus desquels l’aigle étend ses ailes, reproductions en gravure, en peinture, en chromolithographie, des toiles d’Alphonse de Neuville et de Détaille, aigles et coqs dorés qui jadis surmontèrent les enseignes, épaulettes d’or fané, fourragères, sabretaches, hausse-cols de cuivre, panoplies d’enfants, où de petits uniformes de turcos, de « chasseurs d’Orléans, » de cuirassiers, de hussards nains s’étalent, soldats de plomb et de bois verni d’autrefois ressortis des boites, forts en carton avec garnison lilliputienne, simples feuilles de journaux illustrés bien jaunis aussi, mais où se voient nos présidents et même le général Boulanger en qui, une heure, tint l’idée de revanche, cartes où Joffre, la grand’croix en sautoir, cause avec Pau et Castelnau, statuettes de marbre, de plâtre, de stuc, de bois colorié, statuettes de généraux et d’hommes politiques de jadis, mais surtout, partout, statuettes et bustes du grand Napoléon, général aux longs cheveux, Consul plein de jeunesse, Petit Caporal au chapeau légendaire, empereur gras dans la redingote grise : tout cela a été étalé dans des flots d’étoile tricolore. Du tricolore partout : les pièces de boucherie, les saucissons et boudins, les boites de conserves, les paquets de cigares et de cigarettes, en sont enrubannés ; chez les modistes, ce ne sont que rubans aux trois couleurs, étoffe aux trois couleurs aux devantures des lingères. On a illuminé ces devantures : tout ce qu’on avait encore de bougies, d’huile, de pétrole y a passé — là où les rampes d’électricité ne suintaient pas. Et précisément tout s’illumine quand nous arrivons.

Et tandis que nous nous promenons avec délices dans ce décor incroyable, ce « paradis tricolore, » comme dirait Hansi, où tous les élus de l’histoire de France pendant un siècle, — du volontaire de 1792 aux zouaves de 1870, — trouvent leur place, voici que le régiment d’artillerie arrive, roulant à grand bruit sur le pavé de la ville et s’arrête, se forme en parc dans la