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votre cœur. » C’était la note ; la cordialité débordant de toute part, M. Mirman était l’homme de la situation, autant que le général de Mand’huy, et, sous ce duumvivat, Metz oublierait vite ses misères. En attendant, la ville se gausse de l’aventure du préfet allemand, baron de Gemingen, qui eut tant de peine à abandonner à M. Mirman son confortable bureau, — « un homme collant. »

Le lendemain fut plein de satisfaction. La ville n’était point lasse. La fête continua. Les soldats acclamés, suivant l’expression de l’un d’eux, « buvaient du lait. »

À 5 heures, la musique militaire joue sur la place d’armes : le général de Maud’huy n’y tient pas, il lui faut descendre de sa grandeur sur la place même où il nous entraîne. Et ce sont de belles embrassades, car le général est avec sa ville en pleine lune de miel. « On me dirait : voulez-vous être le Bon Dieu ? Je dirais : Enfin ! enfin ! voilà : je suis gouverneur de Metz. Eh bien ! décidément, j’aime mieux rester gouverneur de Metz. » On pense si le mot se colportera. et il est si sincère ! et puis contrairement à ce qu’on dit des mots historiques, il a été prononcé et même plusieurs fois.


La cathédrale au cœur de la Cité se dresse
Comme un vaisseau vainqueur
Elle s’élance au ciel, mais n’a ni tour ni flèche,
Droite comme un soldat…[1].


Tandis que la musique envoie à ses murs, comme à ceux de la vieille maison municipale, comme à Fabert impassible, les accents de Sambre-et-Meuse, la cathédrale reste bien le cœur de la cité et presque de la fête. Pénétrant derechef dans la vénérable nef, je vois qu’une Vierge très antique a été dotée d’un magnifique bouquet tricolore. Ce qui me touche plus, c’est, lorsque je m’en vais faire mon pèlerinage à la tombe de Mgr Dupont des Loges (à peine entrevue hier dans l’énorme groupe militaire qui l’a un instant investie), d’y trouver la magnifique couronne que le Commissaire de la République y a fait déposer : « A Mgr Dupont des Loges, député protestataire de Metz, le Commissaire de la République Française. » Lorsque je sors du sanctuaire, je n’ai point l’impression d’un si grand

  1. Georges Ducrocq. Poésies lorraine (Austrasie, no 3, janvier 1916).