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qu’il paraisse, s’imposait sans doute, puisque, pour rendre son impression enthousiaste, un Messin devait dire devant moi, ce soir-là : « C’était dix fois plus beau encore que notre Congrès eucharistique. » Le général Leconte, commandant le 33e corps, qui, remplaçant Mangin, marchait derrière l’État-major du Maréchal, à la tête des premières troupes, m’a conté que, s’avançant dans le faubourg, il aperçut à la fenêtre d’un hospice une vieille qui, les doigts crispes aux barres de fer de la fenêtre grillagée, à la vue des troupes, soudain, lâcha le grillage et joignit dévotieusement les deux mains. Cette humble vieille fit le geste que tout Metz était tenté de faire devant la France qui rentrait.

Est-il étonnant, en ces conditions, que le moment caractéristique, et certainement le plus émouvant, de la journée ait été celui où, pénétrant sous les voûtes du « grand moûtier de Lorraine, » le maréchal alla porter son hommage au tombeau de Mgr Dupont des Logos ? Sans doute la 39e division Pougin, — une des plus belles de l’armée, puisque tous ses éléments portent la fourragère jaune, — ces magnifiques corps : 146e, 153e, 156e de ligne, 39e d’artillerie, compagnies du 10e génie, les cavaliers du corps Féraud, superbes de prestance et d’allure, les braves Sénégalais du 29e bataillon, le détachement de l’artillerie d’assaut et quelques gros canons furent-ils salués avec une amitié constante, qui d’ailleurs ne se faisait bruyante qu’au passage des drapeaux. Sans doute y avait-il quelque grandeur de rêve dans le spectacle de ces commandants d’unités, généraux, colonels, chefs de bataillon, saluant, d’un même geste large du sabre, deux maréchaux à la fois, Ney et Pétain. Sans doute s’attendrit-on ou s’égaya-t-on à voir de délicieuses petites Lorraines, — coquets bonnets de linon blanc à cocarde tricolore, cotillons courts et souliers plats, — venir verser leurs fleurs devant le grand chef, souriant cette fois pour tout de bon. Sans doute l’arrivée du cortège militaire sur cette place d’armes était-elle saisissante, où Fabert, haut et ferme sur son socle pavoisé, ce Fabert qui, « pour empêcher qu’une place que le Roi lui avait confiée ne tombât au pouvoir de l’ennemi, » eût « mis dans la brèche sa personne, sa famille et son bien, » regardait entrer à l’Hôtel de Ville celui qui, Verdun ébréché lui ayant été confié, avait tout jeté dans la brèche et sauvé la place. Sans doute les harangues de l’Hôtel de Ville, toutes