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nous y applaudissons. Mais il s’y mêle des récriminations, dont le fond et le ton ne sont pas sans nous inquiéter un peu. Les relations de l’État naissant avec un autre État qui est également notre allié pourraient en souffrir, dès le commencement, au détriment de la commune victoire et pour le dommage de la cause commune. Le Conseil national yougo-slave déplore que l’Italie occupe des pays ou portions de pays non désignés dans la convention d’armistice du général Diaz et du feld-maréchal von Arz ; il fait remarquer que ces occupations coïncident généralement, en les dépassant même çà et là, avec les stipulations du traité de Londres du 26 avril 1915, traité secret, mais par la suite divulgué et connu de tous, où ni la Serbie, ni, à plus forte raison, une Slovénie, une Croatie, une Dalmatie qui n’existaient pas alors comme État, n’ont été parties ; mais que tous ensemble, ce pacte et les actes qui en découlent, lèsent cruellement ses droits.et ses intérêts, ferment ses voies, bornent son avenir, rognent ses destinées. Des écorchures ou des égratignures que des paroles officielles accusent aussi vivement, les polémiques de presse auraient vite fait de les changer en blessures.

L’affaire s’engage mal : il vaut mieux le dire pendant qu’il est temps d’y remédier. Par bonheur, la conciliation n’est pas impossible, pour peu qu’on la veuille. Il se trouve que la déclaration du Conseil national yougo-slave suit presque ligne par ligne la thèse mazzinienne, à laquelle un nombre croissant d’Italiens avait adhéré depuis quelques mois. Mais il faut surveiller chacun chez soi les imprudences de langage et refréner les prétentions démesurées. Nous devinons bien ou nous soupçonnons bien la tactique qu’on suit de part et d’autre en enflant ainsi les demandes : peut-être pense-t-on à se munir d’une monnaie d’échange qu’on jetterait au bon moment sur la table de la Conférence, et moyennant laquelle on se ferait payer ses abandons ou ses concessions, » comme si c’étaient des sacrifices. Mais ce jeu ne serait ni sans risques, ni sans périls. C’est le problème de l’Adriatique qui se pose : et il est délicat, il est ardu ; il n’est pourtant pas insoluble ; pour le comprendre, il suffit de le réduire à ses données vraies ; pour le résoudre, il n’y a qu’à être raisonnable. Il est vrai que ce n’est pas toujours facile.

A l’autre bout du monde slave, ou du moins des pays slaves qu’englobait la monarchie austro-hongroise, l’État tchéco-slovaque se débrouille et s’installe. Il a son gouvernement, une forme positive de gouvernement : une République, avec son président, le professeur Masaryk. Il est en train de se faire son armée, et de lui donner un