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l’honneur allemand. Quelle est l’Allemagne qui a perdu sa guerre ? Nous tous... (Ici un petit développement sur le thème à la mode...) Mais vous, soldats, pouvez être fiers ; car vous avez fait de grandes choses, vous n’avez pas à courber la tête. La patrie que vous retrouvez est tout autre que celle que vous aviez quittée. Le peuple s’est délivré de ses chaînes, a renversé les trônes, etc... Vous aussi, soldats, si fatigués de corps et d’âme, vous devez vous ressaisir pour collaborer à l’avenir de la patrie. Vous devez aider le peuple allemand à fonder l’Empire nouveau, » Et l’on vous explique aussitôt que ce sera un État tout différent de l’ancien, une nation qui ne ressemblera en rien à l’ancienne; mais, dans la démocratique Gazette de Francfort, il y a parfaitement, imprimé en toutes lettres, que la tâche de demain, à laquelle on invite instamment l’armée à participer, est de « fonder l’Empire nouveau. »

Derechef la Gazette de Cologne insiste, avec répétition littérale des termes, sur ce point que les Allies doivent retenir : « Ce sont des héros qui reviennent, des héros invaincus. Nous faisons plus que d’en avoir le sentiment, nous nous en rendons compte de nos propres yeux. L’esprit de 1914 continue d’animer ces hommes. Ce qui fait la grandeur et la force de l’armée allemande, ce qui lui a permis de remporter ses victoires, sa grandeur virile, sa discipline, sont demeurées intactes. L’armée que nous voyons aujourd’hui n’a pas perdu la bataille. » L’Entente ne doit pas ignorer cette disposition des esprits, ou cette inclination des âmes, ou ce mouvement des cœurs en Allemagne; trop unanime, trop uniforme, trop manifestement voulu et dirigé pour qu’il n’y ait pas eu concert et mot d’ordre Et il y a un second point auquel elle doit s’attacher : les deux se tiennent ou se relient, ils sont dans le même plan. C’est le rôle destiné à l’armée « invaincue, » dont on a tant de soin d’entretenir le prestige, et comme d’astiquer les cuivres, en vue de la « fondation de l’Empire nouveau. » Car enfin, au bout d’un mois et demi de « révolution, » la situation politique de l’Allemagne, considérée sous les aspects du droit public et constitutionnel, ne s’est pas modifiée d’un trait, n’a pas bougé d’une ligne. Que vient-on de temps en temps nous chanter d’une « République allemande? » Point de république allemande. « Empire nouveau, » répètent à l’envi les gazettes autorisées et complaisantes. Mais elles ne sont pas seules à penser ainsi. Hier même, dans le communiqué par lequel ils niaient, à la face de l’univers, que les stations de radiotélégraphie fussent tombées aux mains du groupe Spartacus, le majoritaire Ebert et le minoritaire Haase