Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/947

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nécessaire : omnis enim philosophiæ[1] difficultas in eo versari videtur ut a phenomenis investigemus vires naturæ, deinde ab his viribus demonstremus phenomena reliqua. »

Donc les expériences ci-dessus relatées ont conduit à l’hypothèse que « les substances conjonctives sont des coagulums inertes, formés au contact des cellules de l’organisme et leur servant d’habitation ; on peut donc supposer que, empruntées à des tissus morts et greffées au sein de tissus vivants, ces substances se souderont, s’incorporeront à ceux-ci, d’une part sans être éliminées ou enkystées comme ferait un corps étranger, d’autre part sans être détruites par la phagocytose qui annihile les substances vivantes étrangères introduites dans l’organisme.

Il ne saurait être question d’exposer ici en détail la longue série d’expériences admirables, progressivement conduites qui, entre les mains de MM. Sencert et Nageotte, ont montré le bien-fondé de cette hypothèse audacieuse. Je me bornerai, — franchissant par la pensée toutes les étapes intermédiaires, tous les tâtonnements fructueux et difficiles, — à indiquer les plus récentes, qui sont les plus démonstratives, les plus délicates et les plus hardies de ces expériences.

Les deux savants ont greffé, dans des conditions variées, des fragments d’organes morts à la place de fragments identiques prélevés sur les mêmes organes d’un animal vivant.

Sur des chiens endormis au chloroforme[2] on a mis à nu et réséqué, sur une longueur de plusieurs centimètres, certains tendons extenseurs des doigts. On a remplacé la substance absente par la suture d’un greffon de tendon mort, prélevé sur un chien antérieurement sacrifié pour une autre raison. Ces greffons avaient été tués et conservés plus d’un mois dans l’alcool qui détruit les cellules vivantes. Sacrifiés plusieurs semaines après, les chiens opérés qui avaient rapidement recouvré l’usage intégral de leurs membres furent examinés : macroscopiquement et microscopiquement, les tendons opérés ne différaient en rien des tendons correspondants de la patte opposée. Le tendon mort faisait partie constituante du tendon vivant ; il en avait toutes les qualités morphologiques et physiologiques ;

  1. Rappelons que chez les Anglais la science s’appelle philosophie naturelle, et que leur principal journal de physique s’intitule Philosophical Magazine.
  2. Ceci dit pour rassurer certains antivivisectionnistes dont les sentiments sur ces questions partent d’un bon naturel, mais d’une conception rétrograde, mal informée, antiscientique et, dans le sens le plus élevé du mot, inhumaine.